Les brûlures par le froid au travail : comprendre les risques pour mieux se protéger

Travailler dans un environnement très froid n’est pas sans conséquence pour la santé. Lorsque le corps est exposé à des températures extrêmes, le froid peut provoquer des lésions comparables à des brûlures, affectant la peau, les tissus et parfois même les articulations. Ces brûlures par le froid regroupent différentes atteintes : engelures, crevasses, gerçures et dans les cas les plus graves, des dommages irréversibles.
Certains secteurs sont particulièrement concernés par ces risques de brûlure : l’agroalimentaire avec les chambres froides, le froid industriel ou encore les activités extérieures menées en hiver. Ces expositions prolongées ne sont pas rares et peuvent entraîner des douleurs importantes, des troubles fonctionnels, voire des arrêts de travail prolongés.
Dans ce contexte, la prévention des brulures au travail devient un enjeu clé pour protéger les salariés, préserver leur santé et maintenir la continuité des activités. Cet article va identifier les situations à risque et surtout, quelles sont les stratégies concrètes pour limiter les effets du froid au quotidien.
Identification des risques et des types de brûlures par le froid
Le froid peut provoquer différentes lésions, plus ou moins graves selon la durée d’exposition, l’intensité du froid, l’humidité ambiante et la protection thermique du travailleur.
Les principaux types de brûlures par le froid
Chaque type de brûlure froide présente des symptômes et des conséquences spécifiques. Leur compréhension permet une détection plus rapide et une meilleure prévention des engelures.
Engelures : des lésions inflammatoires superficielles dues au froid humide
Les engelures, également appelées pernions ou érythèmes pernio, sont des lésions cutanées bénignes provoquées par une exposition prolongée au froid modéré et à l’humidité. Contrairement aux gelures, elles ne résultent pas du gel des tissus, mais d’une réaction inflammatoire des petits vaisseaux sanguins de la peau .
L’exposition au froid humide entraîne une vasoconstriction des capillaires cutanés, réduisant le flux sanguin. Lors du réchauffement, une vasodilatation soudaine peut survenir, provoquant une inflammation locale. Ce phénomène est à l’origine des symptômes caractéristiques des engelures, notamment :
- Des plaques rouges ou violacées, enflées et douloureuses,
- Des démangeaisons intenses,
- Une sensation de brûlure ou de picotement,
- Parfois, des cloques ou des ulcérations dans les cas sévères.
Les symptômes apparaissent généralement quelques heures après l’exposition au froid et peuvent persister des semaines.
Ces lésions affectent principalement les extrémités du corps, notamment :
- Les doigts et orteils,
- Le nez,
- Les oreilles,
- Les joues.
Ces zones sont particulièrement vulnérables en raison de leur exposition directe au froid et de leur vascularisation périphérique.
Crevasses et gerçures : des atteintes plus superficielles, mais douloureuses
Les crevasses et les gerçures sont des lésions cutanées superficielles provoquées par l’exposition répétée ou prolongée à des conditions de froid sec, de vent glacial ou de contact avec de l’eau très froide. Moins profondes que les engelures ou les gelures, elles n’en restent pas moins particulièrement inconfortables et invalidantes lorsqu’elles ne sont pas prises en charge rapidement.
Ces lésions apparaissent surtout lorsque la barrière cutanée est fragilisée : une hydratation insuffisante, le frottement des vêtements ou le contact direct avec des objets froids peuvent accentuer la vulnérabilité de la peau. La surface de la peau se fissure, laissant apparaître de petites plaies qui peuvent devenir très douloureuses à chaque mouvement ou pression.
Les zones les plus touchées sont celles directement exposées ou fréquemment sollicitées :
- Les mains, en particulier les doigts et les jointures,
- Les lèvres, souvent craquelées en hiver,
- Les joues, soumises aux vents froids,
- Les talons, surtout en cas de chaussures non isolantes.
Les symptômes caractéristiques incluent :
- Fissures visibles, souvent profondes sur les mains ou les pieds,
- Rougeurs et sensations de brûlure,
- Sécheresse intense,
- Saignements légers, parfois, qui peuvent survenir à la moindre tension de la peau.
Bien qu’elles soient en surface, ces lésions peuvent avoir des conséquences plus sérieuses si elles sont négligées. L’une des complications les plus courantes est la surinfection bactérienne : les fissures ouvertes constituent une porte d’entrée idéale pour les germes, entraînant une inflammation, une douleur accrue et un retard de cicatrisation. Dans les cas les plus sévères, une prise en charge médicale peut s’avérer nécessaire pour éviter une aggravation locale.
Ces atteintes sont particulièrement fréquentes dans les secteurs du nettoyage, du BTP et de l’agroalimentaire où le contact avec l’humidité froide est quotidien.
Bien qu’elles soient considérées comme bénignes au premier abord, les crevasses et les gerçures peuvent, si elles se multiplient ou deviennent chroniques, impacter significativement le confort, la précision gestuelle et, à terme, la productivité du travailleur.
Gelures : des brûlures profondes causées par la congélation des tissus
La gelure constitue l’une des formes les plus sévères de brûlure par le froid. Elle se produit lorsque la température corporelle locale descend en dessous du point de congélation, entraînant une formation de cristaux de glace à l’intérieur des cellules. Cette congélation tissulaire endommage profondément les structures biologiques, notamment les membranes cellulaires, les vaisseaux sanguins et les terminaisons nerveuses.
Les gelures touchent en priorité les zones du corps les plus éloignées du cœur et les plus exposées au froid, là où la circulation sanguine est naturellement moins dense :
- Les doigts et les orteils,
- Le nez,
- Les oreilles,
- Les joues.
Le début d’une gelure est souvent silencieux, ce qui complique son identification. Contrairement à la douleur immédiate causée par une brûlure thermique, les gelures peuvent d’abord engourdir complètement la zone affectée, donnant une fausse impression d’amélioration.
Les symptômes typiques incluent :
- Une peau blanche ou grisâtre, parfois cireuse,
- Une dureté au toucher, liée à la congélation des tissus,
- Une insensibilité complète, signal d’alerte d’une atteinte profonde.
Dans les formes plus graves, des cloques peuvent apparaître quelques heures après le réchauffement, et la peau peut évoluer vers une coloration noire, traduisant une nécrose complète.
La gelure est une urgence médicale. Si elle n’est pas traitée à temps, elle peut entraîner :
- Des lésions irréversibles,
- Une destruction tissulaire massive,
- Dans les cas extrêmes, la nécessité d’une chirurgie réparatrice voire d’une amputation partielle ou totale de la zone atteinte.
La gravité des gelures est souvent classée en quatre degrés, allant de la lésion superficielle réversible à la perte définitive de tissu. En montagne ou dans les environnements professionnels très froids, elles peuvent survenir en moins de 30 minutes d’exposition par –15 °C avec vent.
Parce qu’elles progressent souvent sans douleur initiale et peuvent laisser des séquelles fonctionnelles lourdes, les gelures figurent parmi les pathologies les plus redoutées dans les milieux exposés au froid extrême.
Les risques spécifiques selon les conditions de travail
Les travailleurs des industries agroalimentaires et logistiques évoluant en atmosphère froide sont confrontés à un stress thermique intense, même pour des durées apparemment courtes.
Frigos industriels : exposition prolongée et systémique
Dans les chambres froides, notamment celles utilisées dans l’agroalimentaire, les températures peuvent atteindre –18 °C, voire moins pour la surgélation. Or, selon les recommandations de l’INRS, le risque de lésion par le froid devient significatif dès 30 minutes d’exposition à –18 °C si aucun équipement thermique adapté n’est utilisé. À cette température, les premières zones touchées sont les extrémités, particulièrement vulnérables à la perte de chaleur.
Différents facteurs aggravent encore cette exposition. L’humidité ambiante, fréquente dans les environnements de nettoyage ou de manipulation de produits congelés, accélère la conduction thermique.
Le port de gants mouillés, même s’ils sont épais, diminue considérablement leur efficacité isolante et favorise la déperdition de chaleur. Enfin, l’absence de pauses régulières dans des zones tempérées empêche le corps de se réchauffer entre deux séquences d’exposition, ce qui favorise l’installation progressive du froid dans les tissus, avec un risque accru de lésion profonde.
Ces conditions requièrent une vigilance constante et une gestion stricte des temps de présence pour limiter les atteintes cutanées et circulatoires chez les travailleurs.
Travail extérieur en hiver : froid, vent et humidité, un cocktail à haut risque
Les professionnels du BTP, les agents de voirie, les travailleurs forestiers ou encore les techniciens d’entretien opérant à l’extérieur sont régulièrement exposés à des conditions météorologiques extrêmes, parfois durant plusieurs heures d’affilée. Ce froid ambiant, lorsqu’il est combiné au vent et à l’humidité, provoque une chute accélérée de la température corporelle, en particulier au niveau des extrémités.
Selon les données de l’INRS, une température extérieure de –5 °C accompagnée d’un vent de 30 km/h équivaut à une température ressentie de –12 °C. Dans de telles conditions, une gelure peut survenir en moins de 30 minutes en l’absence de protection thermique adéquate.
Les zones les plus exposées sont les mains, fréquemment en contact avec le matériel ou les surfaces métalliques, les pieds, en appui prolongé sur des sols gelés ou humides ainsi que le visage et le cou, continuellement soumis aux rafales de vent froid. Lorsque les vêtements sont humides, peu isolants ou que les gants sont inadaptés, le risque de blessure augmente considérablement. L’absence de pauses régulières dans des environnements tempérés accentue également la vulnérabilité du corps face au froid.
Dans ces contextes, la capacité à limiter les effets du froid repose autant sur l’organisation du travail que sur le choix des équipements.
Les facteurs de risques spécifiques à l’environnement, l’organisation et l’état de santé
Au-delà des conditions de travail elles-mêmes, certains facteurs liés à l’environnement ou à l’organisation aggravent l’exposition au froid.
Conditions climatiques extrêmes : le froid n’est jamais seul
Les conditions climatiques extrêmes combinent plusieurs facteurs qui, ensemble, décuplent le risque pour l’organisme. Le froid ne se présente jamais seul : il s’accompagne souvent de vent et d’humidité, deux éléments qui amplifient considérablement ses effets. Le vent, par le phénomène de refroidissement éolien (ou wind chill), accélère la perte de chaleur corporelle, tandis que l’humidité altère la capacité isolante des vêtements, même lorsqu’ils sont initialement adaptés aux basses températures.
Ainsi, selon Météo France, une température extérieure de –10 °C combinée à un vent de 40 km/h peut abaisser la température ressentie à près de –20 °C. Dans de telles conditions, l’exposition peut devenir critique en l’espace de quelques dizaines de minutes seulement, rendant le corps vulnérable aux premières lésions cutanées ou aux atteintes circulatoires.
Durée d’exposition : un facteur clé souvent sous-estimé
Le facteur temporel est souvent sous-estimé lorsqu’il s’agit d’évaluer les risques liés au froid. Pourtant, le temps passé en continu dans un environnement à basse température influe directement sur la gravité des effets ressentis par l’organisme. Même lorsque les températures ne semblent pas extrêmes, l’exposition prolongée finit par dépasser les capacités d’adaptation du corps.
Dans les environnements industriels, notamment en chambre froide, des expositions supérieures à trente minutes sans équipement thermique adapté, en particulier l’absence de gants isolants, suffisent à provoquer des engelures localisées. Le risque est accru dans les tâches statiques où la circulation sanguine est naturellement moins sollicitée.
En extérieur, le danger est encore plus marqué. Les travailleurs confrontés au froid hivernal, notamment ceux manipulant des outils métalliques ou opérant au contact direct du sol, peuvent rapidement développer des gelures profondes s’ils ne disposent pas de temps de récupération thermique. L’absence de rotation des postes, de relais entre équipes ou de zones de pause chauffées fait partie des éléments qui aggravent nettement ce risque d’accumulation du froid dans les tissus.
Équipements inadaptés ou insuffisants
Le choix et la qualité des équipements individuels jouent un rôle déterminant dans la protection contre le froid. Lorsque les vêtements ne sont pas conçus pour offrir une isolation thermique suffisante — qu’il s’agisse de gants trop fins, de vêtements non doublés ou de chaussures dépourvues d’une barrière isolante — les extrémités du corps deviennent rapidement vulnérables. Ce sont précisément ces zones, comme les mains et les pieds, qui sont les premières à subir les effets du froid, en raison de leur exposition directe et de leur vascularisation périphérique.
Le problème s’aggrave encore lorsque les équipements sont humides, notamment les gants, car l’humidité accélère la déperdition thermique par conduction. L’absence de surchaussures ou de doublures coupe-vent renforce également la perméabilité au froid, notamment dans les environnements venteux ou humides.
Cette exposition thermique prolongée a des conséquences physiologiques directes : selon l’INRS, une baisse de seulement un degré de la température corporelle centrale peut entraîner une diminution de près de 10 % de l’efficacité musculaire. Cette altération des capacités physiques accroît mécaniquement le risque d’accidents, qu’il s’agisse de glissades, de gestes mal exécutés ou d’une perte de réactivité dans les mouvements.
Facteurs personnels : certaines pathologies aggravent les risques
L’état de santé des travailleurs peut les rendre particulièrement sensibles au froid, même lorsque les conditions d’exposition ne semblent pas extrêmes. C’est notamment le cas des personnes atteintes de troubles circulatoires, comme le diabète, la maladie de Raynaud ou l’hypotension chronique. Ces pathologies altèrent la qualité de la circulation sanguine, en particulier dans les extrémités, réduisant ainsi la capacité de l’organisme à maintenir une température stable dans ces zones.
Chez ces personnes, les mains, les pieds, les oreilles ou encore le nez sont moins bien irrigués, ce qui favorise l’apparition rapide de lésions cutanées ou tissulaires, même lors d’expositions de courte durée. De plus, la perception du froid peut être altérée, ce qui retarde parfois la détection des premiers symptômes et augmente le risque de complications.
Conséquences sur la santé et l’organisation du travail
Les brûlures par le froid ne se limitent pas à des douleurs locales : elles peuvent entraîner des complications médicales sérieuses et perturber fortement l’activité professionnelle.
Impact sur la santé des travailleurs
L’exposition prolongée au froid en milieu professionnel ne se limite pas à un simple inconfort thermique : elle peut entraîner des effets physiologiques graves, qui vont bien au-delà des atteintes cutanées. Parmi les conséquences les plus redoutées, les engelures sévères figurent en première ligne. Si elles ne sont pas prises en charge rapidement, elles peuvent évoluer vers une gangrène, avec un risque réel d’amputation, que ce soit au niveau des doigts, des orteils ou, dans les cas les plus graves, d’un membre entier.
Un autre risque majeur est l’hypothermie qui se manifeste dès que la température corporelle descend sous les 35 °C. Elle affecte progressivement la vigilance, la coordination motrice et les fonctions vitales et peut engager le pronostic vital si l’exposition se poursuit sans interruption.
Le froid impacte aussi le système musculo-squelettique. Il tend à rigidifier les articulations et les muscles, notamment dans les mains et les pieds. Cette perte de souplesse réduit la précision des gestes et accroît le risque de blessures : faux mouvements, glissades ou chocs liés à une perte de contrôle.
Selon l’INRS, un salarié qui n’est pas correctement équipé en chambre froide peut présenter des signes d’engelure en moins de 30 minutes et développer une hypothermie légère après une heure d’exposition continue. Ces chiffres rappellent combien la vigilance doit être permanente dans les environnements à basse température.
Impact économique et organisationnel
Les brûlures par le froid ne se contentent pas d’affecter la santé des travailleurs : elles ont également un impact direct sur l’organisation du travail et sur les performances des entreprises, en particulier dans les secteurs exposés à de fortes contraintes thermiques comme le BTP, l’agroalimentaire ou la logistique sous température dirigée.
Les arrêts de travail sont fréquents lorsque les lésions nécessitent des soins médicaux, une rééducation ou simplement du repos. Les troubles liés au froid représenteraient des milliers de jours d’arrêt chaque année dans les secteurs les plus exposés avec des pics lors des périodes hivernales.
À cela s’ajoute une diminution significative de la productivité. En ambiance froide, la précision des gestes diminue, les mouvements deviennent plus lents et la concentration s’érode rapidement, notamment lorsque les mains sont engourdies ou douloureuses. La répétition de ces conditions finit par affecter le rendement général et la fluidité des opérations.
Enfin, l’inconfort thermique constant induit une fatigue accrue et une baisse d’attention qui se traduisent mécaniquement par une hausse des erreurs humaines. Ces erreurs, parfois anodines, peuvent aussi être à l’origine d’accidents professionnels, particulièrement dans des environnements où l’utilisation d’outils ou d’engins nécessite une pleine vigilance.
Prévenir les brulures
Sources
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