Risque de brulure

Brûlures solaires au travail : des effets durables et invisibles

Par Laurent Corbé , le 8 juillet 2025 , mis à jour le 10 juillet 2025 - 10 minutes de lecture

Les coups de soleil ne se résument pas à un inconfort passager. Leur répétition dans un contexte professionnel entraîne des effets durables, parfois irréversibles, sur la peau, les yeux et l’organisme dans son ensemble. Il ne faut jamais négliger les brulures par rayonnement.

Réactions cutanées immédiates : un signal d’alerte à ne pas ignorer

L’un des premiers effets visibles d’une surexposition aux rayons UVB est une inflammation aiguë de la peau. Contrairement à une simple sensation de chaleur, il s’agit d’une véritable atteinte des tissus qui survient souvent quelques heures après l’exposition, parfois dès la fin du poste de travail.

Érythème, douleur et inconfort fonctionnel

Le premier signe est l’apparition d’une rougeur marquée, appelée érythème actinique, accompagnée d’une chaleur localisée et d’une douleur au toucher. La peau devient sensible, tendue et le moindre frottement peut être pénible. Dans les formes plus sévères, des cloques apparaissent, indiquant une brûlure du second degré. Ces lésions peuvent gêner les mouvements, notamment lorsqu’elles se situent sur des zones sollicitées comme les mains, le visage ou les bras.

Conséquences sur la peau et sur l’activité professionnelle

Après quelques jours, la peau commence souvent à peler (desquamation), signe de la régénération cellulaire en cours. Mais cette phase peut s’accompagner de démangeaisons, de tiraillements, voire de modifications durables du teint, apparition de taches pigmentaires, zones blanchies ou hyperpigmentées. Dans les métiers de terrain, ces effets ne sont pas uniquement inconfortables : ils réduisent la tolérance au port des EPI (gants, lunettes, masques) et peuvent compromettre certaines tâches nécessitant précision ou contact prolongé avec des outils.

Une brûlure solaire sur le dos des mains ou le front n’est pas anodine : elle peut diminuer la vigilance, entraver les gestes techniques et augmenter les risques d’accident en chaîne.

Affaiblissement des défenses cutanées : un terrain fragilisé

Au-delà des rougeurs et des cloques visibles, l’exposition chronique aux UV a un impact silencieux, mais profond sur l’immunité locale de la peau. Ce déséquilibre immunitaire fragilise la barrière cutanée, augmente les risques d’infections et de complications.

Une peau moins résistante, plus exposée aux agressions

Les UV perturbent les cellules immunitaires présentes dans la peau, en particulier les cellules de Langerhans qui jouent un rôle central dans la détection des agents pathogènes. Résultat : une peau déjà abîmée par les UV devient un terrain vulnérable. La moindre plaie peut s’infecter plus facilement et les brûlures mettent plus de temps à cicatriser.

Ce phénomène s’observe surtout chez les personnes ayant des antécédents médicaux particuliers (immunodépression, maladies auto-immunes, traitements immunosuppresseurs), mais il peut aussi toucher des travailleurs en bonne santé soumis à des expositions répétées sans protection suffisante.

Une sensibilité accrue aux autres agressions

Lorsque la peau a subi plusieurs expositions UV, elle réagit plus violemment aux stimuli extérieurs. Des produits chimiques autrefois tolérés peuvent devenir irritants. La chaleur, les frottements répétés ou encore certains textiles peuvent déclencher des inflammations ou des démangeaisons inhabituelles. Ce phénomène, connu sous le nom de sensibilisation secondaire, complexifie la gestion des risques en milieu professionnel.

Dans les secteurs exposés aux UV et aux substances chimiques (BTP, agriculture, nettoyage, industrie), ce cumul de vulnérabilités impose une vigilance renforcée.

Effets à long terme : la peau se modifie en profondeur

L’exposition chronique aux rayonnements UV ne se limite pas à des coups de soleil ponctuels. Même sans symptômes visibles immédiats, elle provoque des altérations progressives des tissus cutanés, souvent irréversibles qui s’installent lentement au fil des années.

Vieillissement prématuré : un effet silencieux, mais visible

Les UVA, en particulier, pénètrent profondément dans le derme, altérant les fibres de collagène et d’élastine qui assurent la souplesse et la fermeté de la peau. Résultat : une perte d’élasticité, l’apparition de rides précoces et une texture cutanée irrégulière. Ce vieillissement accéléré s’accompagne souvent de sécheresse, de zones épaissies et d’un teint globalement altéré (marbrures, taches pigmentaires, décoloration).

Dans le monde professionnel, ces signes sont fréquemment observés chez les travailleurs régulièrement exposés au soleil sans protection suffisante, notamment dans l’agriculture, le BTP ou les métiers du sport en extérieur.

Dégénérescence actinique : un signal d’alerte

Avec le temps, la peau soumise à une irradiation régulière développe des anomalies cellulaires plus graves. On parle alors de dégénérescence actinique, caractérisée par l’apparition de taches rugueuses, croûteuses ou pigmentées, souvent sur les zones les plus exposées (visage, mains, avant-bras, nuque). Ces lésions peuvent évoluer vers des formes précancéreuses telles que les kératoses actiniques, voire des carcinomes si elles ne sont pas prises en charge précocement.

Ces transformations cutanées ne concernent pas uniquement les séniors : elles peuvent apparaître dès 30 ou 40 ans en cas d’exposition professionnelle répétée.

Risques cancéreux : l’accumulation invisible des expositions

L’effet le plus grave, et souvent le plus tardif, de l’exposition aux rayonnements UV est l’augmentation significative du risque de développer un cancer cutané. Ce danger, longtemps sous-estimé dans le cadre professionnel, est aujourd’hui reconnu comme une réalité épidémiologique, en particulier pour les métiers de terrain.

Trois cancers de la peau en lien avec le travail au soleil

L’exposition répétée et prolongée au rayonnement solaire dans un cadre professionnel n’est pas anodine. Elle augmente significativement le risque de développer certains cancers de la peau.

Le mélanome cutané

C’est la forme la plus agressive de cancer de la peau. Il se développe à partir des mélanocytes (cellules pigmentaires) et peut évoluer rapidement vers des métastases. Chez les travailleurs fortement exposés (marins, agriculteurs, ouvriers du BTP), il est souvent diagnostiqué tardivement, car les lésions passent inaperçues ou sont banalisées. Le mélanome représente moins de cas que les autres formes, mais cause la majorité des décès liés aux cancers cutanés.

Le carcinome basocellulaire

Le plus fréquent, notamment chez les travailleurs exposés de manière chronique. Ce cancer progresse lentement, mais peut être localement destructeur et atteindre les tissus sous-cutanés s’il n’est pas traité. Il touche souvent les zones exposées en continu comme le visage, le cou ou les mains.

Le carcinome spinocellulaire (ou épidermoïde)

Directement lié à l’exposition solaire cumulative, ce type de cancer est particulièrement observé dans les professions extérieures, comme les ouvriers du bâtiment, les agriculteurs ou les routiers. Il peut devenir invasif et métastatique si les lésions sont négligées.

Une reconnaissance progressive en maladie professionnelle

Dans différents pays européens dont la France, l’Allemagne ou l’Italie, l’exposition professionnelle prolongée au rayonnement solaire est désormais reconnue comme un facteur de risque professionnel avéré. Des dispositifs de reconnaissance en maladie professionnelle ont été mis en place, notamment pour les carcinomes spinocellulaires et certains cas de mélanome.

Cette reconnaissance ouvre la voie à une indemnisation, mais souligne surtout l’urgence de mettre en place des politiques de prévention ciblées dans les secteurs à risque.

Dommages oculaires : l’œil, souvent négligé, mais très exposé

Si la peau est au cœur des campagnes de prévention solaire, les yeux sont encore trop souvent les grands oubliés. Pourtant, le globe oculaire est extrêmement sensible aux rayonnements, en particulier aux ultraviolets. Dans un contexte professionnel, l’exposition répétée sans protection adaptée peut avoir des conséquences sévères, à court comme à long terme.

Des atteintes immédiates souvent douloureuses

Souvent négligés, les yeux sont pourtant extrêmement sensibles au rayonnement solaire et aux surfaces réfléchissantes. Une exposition non protégée peut entraîner des douleurs aiguës, une vision floue, voire des lésions durables si la prévention n’est pas rigoureusement appliquée.

La kératite actinique

Aussi appelée « ophtalmie des neiges », elle survient après une exposition intense aux UV, notamment sur des surfaces réfléchissantes (neige, mer, béton). Il s’agit d’une inflammation de la cornée très douloureuse, entraînant une sensation de sable dans les yeux, une photophobie aiguë et parfois une perte temporaire de la vision.

La photoconjonctivite

C’est une inflammation de la conjonctive, la membrane qui recouvre le blanc de l’œil. Elle provoque rougeur, larmoiement, irritation et gêne importante à la lumière. Elle est fréquente chez les travailleurs exposés en plein air sans lunettes de protection.

Des risques chroniques silencieux

À long terme, les conséquences de l’exposition cumulative peuvent être bien plus graves. Les plus courantes sont :

  • La cataracte : opacification progressive du cristallin, elle est fortement liée à l’exposition chronique aux UV, notamment dans les zones géographiques très ensoleillées ou les métiers extérieurs.
  • La dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) : bien que multifactorielle, l’exposition prolongée aux UV figure parmi les facteurs de risque connus.

La réverbération joue ici un rôle déterminant. Sur la neige, l’eau ou des sols clairs, une proportion importante des UV est renvoyée vers le visage, augmentant l’exposition oculaire même sans contact visuel direct avec le soleil. Cela rend indispensable le port de lunettes de protection normées, même par temps couvert.

Tableau récapitulatif – Conséquences des brûlures solaires chez les professionnels exposés

ConséquenceDescriptionFacteurs aggravants
Brûlures cutanéesLésions superficielles à profondes de la peau, avec rougeurs, douleurs, cloques, desquamation.Exposition prolongée sans protection, absence de crème solaire, peau claire ou sensible.
Affaiblissement immunitaire localDiminution des défenses immunitaires de la peau, favorisant les infections cutanées et les lésions persistantes.Exposition cumulative, brûlures fréquentes non soignées, absence de récupération cutanée.
Cancers cutanés (mélanome, carcinomes)Apparition de tumeurs cutanées liées à des mutations de l’ADN induites par les UV (notamment UVB).Exposition chronique, antécédents familiaux de cancer, absence de dépistage régulier, exposition professionnelle.
Vieillissement prématuré de la peauRides, taches pigmentaires, relâchement cutané dus à la dégradation du collagène et de l’élastine par les UVA.Travaux en extérieur non protégés, exposition quotidienne, absence d’écran solaire adapté.
Atteintes oculairesLésions de la cornée, photokératite, cataracte ou DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge) causées par les UV.Absence de lunettes filtrantes UV, surfaces réfléchissantes (eau, sable, béton), altitude.

Brulures solaires

Sources

Laurent Corbé

Laurent Corbé est expert en risques professionnels. Il est le fondateur d'Abisco.fr, un site leader dans la commercialisation d'Equipements de Protection Individuelle

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