Risque de coupure

Prévention des coupures et sectionnements au travail : risques, gestes d’urgence et mesures de sécurité

Par Laurent Corbé , le 30 juin 2025 , mis à jour le 10 juillet 2025 - 26 minutes de lecture

Table des matières

Utilisation d’outils tranchants, manipulation de machines, contact avec des matériaux à arêtes vives… Les coupures et les sectionnements font partie des accidents du travail les plus fréquents dans de nombreux secteurs. Qu’ils soient bénins ou graves, ces incidents peuvent avoir des conséquences durables et doivent faire l’objet de mesures de prévention rigoureuses.

Dans les environnements professionnels où les gestes techniques se répètent et les outils de coupe sont omniprésents, le risque est permanent. Qu’il s’agisse d’une scie circulaire, d’un couteau professionnel, d’une trancheuse ou d’un outil électroportatif, un moment d’inattention ou un équipement mal entretenu peut suffire à provoquer un accident.

Tous les secteurs sont concernés :

  • Le BTP, avec les découpes sur chantier, la manutention de plaques métalliques ou vitrées,
  • L’industrie, notamment la métallurgie, la mécanique, le bois ou l’agroalimentaire,
  • Les métiers de bouche, exposés à des outils de coupe très affûtés dans un rythme de travail soutenu,
  • Les techniciens de maintenance, confrontés à des éléments métalliques ou des machines en cours de démontage.

Dans bien des cas, une coupure mal située ou mal prise en charge peut entraîner des atteintes tendineuses, des blessures profondes, voire des amputations. Cela impose une approche complète de la prévention des risques individuels au travail, reposant sur le bon usage des équipements de protection individuelle, la sécurisation des outils et machines, la formation aux bons gestes et une organisation adaptée du poste de travail.

Nature des risques de coupures et de sectionnements

Toutes les coupures ne se valent pas. Selon la gravité de l’incident et le contexte de travail, les blessures peuvent aller de simples éraflures à des amputations irréversibles. Pour mettre en place une prévention efficace, il est indispensable de bien identifier les types d’accidents et les facteurs qui y contribuent.

Typologie des accidents

Dans les environnements professionnels exposés aux outils tranchants ou aux matériaux coupants, les accidents peuvent prendre plusieurs formes. Leur gravité varie selon le type d’outil et les conditions d’utilisation.

Coupures superficielles

Ce sont les blessures les plus fréquentes. Elles surviennent généralement lors de manipulations rapides ou répétitives, en particulier avec :

  • Des couteaux mal affûtés,
  • Des cutters utilisés sans précaution,
  • Des éclats de matériaux comme le verre, le métal ou certains plastiques rigides.

Bien que souvent bénignes, ces plaies peuvent entraîner des complications en cas de mauvaise hygiène ou de traitement inadapté : infections cutanées, abcès, voire septicémie. Elles représentent la majorité des soins infirmiers en entreprise.

Coupures profondes

Elles touchent les couches internes de la peau (derme, voire hypoderme) et peuvent léser :

  • Les tendons,
  • Les nerfs sensitifs ou moteurs,
  • Les muscles superficiels.

Ces blessures provoquent un saignement abondant et nécessitent des soins médicaux urgents. Elles sont souvent à l’origine d’arrêts de travail de quelques semaines et peuvent laisser des séquelles fonctionnelles (perte de mobilité, raideurs, insensibilités).

Sectionnements et amputations

Ces cas, plus rares mais très graves, surviennent généralement avec des machines puissantes : presses, scies à ruban, découpeuses industrielles ou tronçonneuses. Ils résultent :

  • D’un non-respect des consignes de sécurité,
  • D’un défaut de protection de la machine,
  • D’une erreur de manipulation en co-activité.

Les amputations dues à des machines fixes entraînent un impact psychologique et professionnel majeur.

Projections d’éclats tranchants

Certaines machines, comme les meuleuses ou les outils de découpe rapide, peuvent projeter des particules à très haute vitesse. Ces fragments métalliques ou abrasifs peuvent causer :

  • Des plaies pénétrantes,
  • Des lacérations au visage ou aux bras,
  • Des atteintes oculaires parfois irréversibles.

Le rapport 2022 de l’Assurance Maladie – Risques professionnels indique que les objets tranchants ou perforants sont impliqués dans plus de 110 000 accidents du travail dont 15 % engendrent un arrêt de travail. Ces chiffres incluent tous les secteurs, avec une surreprésentation dans l’industrie, le BTP, l’agroalimentaire et la restauration.

Identifier les causes des coupures et sectionnements : entre facteurs aggravants et pratiques à risque

Les accidents liés aux coupures ou sectionnements ne sont presque jamais dus au simple hasard. Ils résultent d’une combinaison de défaillances humaines, techniques et organisationnelles. L’analyse des déclarations d’accidents du travail révèle des schémas récurrents dans de nombreux secteurs : usage imprudent d’outils, matériel inadapté, absence de dispositifs de sécurité ou organisation défaillante.

Machines et outils motorisés : une exposition directe aux coupures graves

Dans les environnements industriels, les machines et les équipements électroportatifs figurent parmi les principales causes de coupures sévères. Scies, meuleuses, presses et perceuses exposent directement les membres à des lames ou pièces en mouvement.

Machines fixes et portatives : des risques multiples à chaque étape

Les scies circulaires, les presses hydrauliques, les raboteuses, les fraiseuses ou les perceuses sont responsables d’une large part des blessures par sectionnement ou lacération. Ces machines sont utilisées dans des secteurs comme l’industrie manufacturière, la mécanique, la menuiserie ou encore le BTP. Les risques sont fortement accrus lorsque :

  • Les consignes d’utilisation ne sont pas respectées (vitesse excessive, absence de guide ou de butée),
  • Les dispositifs de sécurité sont absents ou désactivés (carters, grilles, arrêts d’urgence),
  • L’entretien est négligé (lame émoussée, fixation défectueuse, câblage vétuste).

Machines portatives : puissance et instabilité

Meuleuses, tronçonneuses ou scies circulaires portatives génèrent des vitesses de rotation très élevées, jusqu’à 12 000 tours/minute pour une meuleuse d’angle, avec une grande capacité de pénétration dans la matière. Le risque de blessure est maximal en cas de :

  • Mauvais appui ou instabilité de l’opérateur (position en hauteur, sol irrégulier),
  • Réaction inattendue de l’outil en cours de découpe,
  • Utilisation sans EPI adaptés.

Le simple contact inopiné avec un disque en rotation peut entraîner une déchirure profonde de la peau, voire la section partielle d’un doigt ou d’un tendon.

L’effet rebond ou « kickback » : un danger fulgurant

Le kickback survient lorsqu’une lame ou un disque rotatif se bloque dans la matière, provoquant un retour brutal et incontrôlé de l’outil vers le corps. Ce phénomène est très fréquent lors de l’utilisation de :

  • Meuleuses sur surfaces métalliques,
  • Scies circulaires sur bois,
  • Tronçonneuses sur résineux ou matériaux irréguliers.

Une fraction de seconde suffit à provoquer une coupure profonde au thorax, au visage ou aux membres supérieurs.

La suppression des dispositifs de sécurité : une pratique à haut risque

Dans certains cas, les opérateurs désactivent volontairement les protections des machines, pensant gagner du temps ou faciliter une tâche. Ce comportement augmente considérablement l’exposition aux parties tranchantes. Qu’il s’agisse du retrait de capots, de la désactivation d’arrêts d’urgence ou de la non-utilisation de guides, chaque entorse à la sécurité fragilise l’opérateur… parfois de manière irréversible.

Outils manuels : des indispensables à manipuler avec rigueur

Qu’il s’agisse d’un cutter, d’un couteau ou d’un grattoir, les outils manuels sont omniprésents dans les métiers techniques, logistiques, alimentaires ou artisanaux. Utilisés quotidiennement, ils exposent les opérateurs à des coupures, des lacérations et des blessures parfois sévères, en particulier lorsqu’ils sont mal choisis, mal utilisés… ou simplement mal rangés.

Des gestes simples aux conséquences graves

Les cutters, les scalpels, les couteaux professionnels ou les ciseaux sont largement utilisés dans la maintenance, la cuisine collective, les ateliers de production ou les entrepôts logistiques. Pourtant, mal maîtrisés, ils peuvent provoquer des entailles profondes, souvent lors de gestes :

  • Répétitifs ou rapides (comme la découpe d’emballages ou la préparation d’aliments),
  • Réalisés avec un outil inadapté (lame trop souple, trop longue ou mal affûtée),
  • Exécutés sans dispositifs de protection comme les gants anti-coupure ou les guides de coupe.

Les blessures les plus fréquentes concernent les mains et les avant-bras, parfois avec atteinte des tendons ou des nerfs, nécessitant des semaines d’arrêt.

Désordre et précipitation : des risques silencieux

Une autre source fréquente d’accidents réside dans les outils laissés à découvert. Un cutter ou une lame de rechange posé sans capuchon sur un établi peut blesser un collègue qui s’en saisit distraitement. Ces blessures dites de “contact passif” surviennent souvent :

  • En début ou en fin de journée quand la concentration baisse,
  • Dans des environnements désorganisés ou encombrés,
  • Lors du nettoyage ou du rangement de fin de poste.

Une réorganisation des postes de travail, associée à une sensibilisation simple (rangement systématique, boîtes de stockage sécurisées, outils à rétractation automatique), permettrait de réduire significativement ce type d’accident.

Matériaux à bords vifs : des coupures silencieuses, mais redoutables

Même sans machine en fonctionnement, certains matériaux présentent un risque élevé de coupure par simple contact. Dans de nombreux secteurs, construction, industrie, maintenance, ces blessures dites passives sont fréquentes, souvent négligées, mais potentiellement graves si les protections sont inadaptées ou absentes.

Coupures passives : un danger sous-estimé

Certains matériaux peuvent provoquer des entailles nettes sans qu’aucun geste de coupe ne soit engagé. C’est le cas des :

  • Feuilles de tôle en aluminium, acier galvanisé ou inox,
  • Plaques de céramique ou verre brut,
  • Matériaux composites comme les fibres de carbone ou de verre,
  • Déchets industriels mal triés contenant arêtes métalliques, éclats de bois ou chutes mal conditionnées.

La blessure peut survenir lors d’un transport, d’un empilement ou simplement en effleurant un bord tranchant. Les mains et les avant-bras sont les zones les plus exposées.

Manutention à risque : même en dehors des phases de production

Même hors temps de production, le risque persiste. Les interventions de nettoyage, de rangement ou de tri exposent régulièrement les opérateurs à des coupures :

  • Lors de la récupération de chutes sur un plan de travail,
  • En déplaçant des matériaux stockés à même le sol,
  • Pendant la manipulation de déchets sans protection suffisante.

Le port de gants à haute résistance mécanique (norme EN 388) et l’usage de contenants fermés ou bacs sécurisés pour les matériaux coupants permettent de prévenir la plupart de ces accidents.

Environnement de travail : un facteur clé

Au-delà des outils ou des matériaux utilisés, l’agencement physique des postes de travail joue un rôle déterminant dans la prévention des coupures et des sectionnements. Un espace désorganisé, mal éclairé ou encombré multiplie les points de contact accidentels avec des objets tranchants ou dangereux.

Ateliers encombrés : un terrain propice aux blessures

Les audits de prévention montrent que de nombreuses coupures surviennent dans des environnements où l’ordre n’est pas rigoureusement maintenu. Les risques sont particulièrement élevés dans les ateliers ou les zones logistiques à cause de :

  • Matériaux posés à même le sol ou mal empilés,
  • Outils tranchants laissés en vrac ou sans capuchon,
  • Circulation obstruée par des palettes, des câbles ou des chariots.

Ces situations favorisent les chutes, les frottements involontaires contre des arêtes vives ou les manipulations dans la précipitation. Un environnement bien rangé, clair et structuré réduit considérablement ces risques.

Visibilité, accessibilité, sécurité

Des postes de travail mal éclairés, notamment à proximité des zones de coupe, aggravent le risque de geste mal dirigé. De même, l’absence de contraste entre les matériaux et les surfaces de travail peut empêcher de repérer les éléments tranchants.

Il est recommandé d’intégrer dès la conception des postes :

  • Un éclairage directionnel adapté aux tâches précises,
  • Un marquage au sol clair pour séparer les zones de travail, de stockage et de circulation,
  • Des signalétiques visibles autour des zones dangereuses (symboles de risque, bandes réfléchissantes, etc.).

Organisation des flux et stockage sécurisé

L’entreposage anarchique de matières premières ou de déchets tranchants, sans séparateurs ni contenants fermés, expose directement les opérateurs à des blessures :

  • Coupures aux jambes ou aux mains lors de la manutention,
  • Multiplication des accidents par simple contact passif avec des rebuts mal conditionnés.

Mettre en place des bacs sécurisés, délimiter les zones de dépôt et organiser des tournées régulières de nettoyage contribue à réduire durablement ces incidents à répétition.

Intervention après un accident de coupure ou de sectionnement

Face à une blessure liée à un outil tranchant ou à une machine, la rapidité et la qualité de la prise en charge sont déterminantes. Une coupure mal traitée peut entraîner des complications graves tandis qu’un segment amputé bien conservé peut parfois être réimplanté. Voici les bons gestes selon la gravité de l’accident.

Premiers gestes selon la gravité de la blessure

Les coupures ne nécessitent pas toutes une hospitalisation, mais toutes doivent être prises au sérieux. Le niveau d’urgence dépend de la profondeur de la plaie, de la quantité de sang perdu et de la localisation.

Coupure légère à modérée

Ces coupures superficielles touchent la couche externe de la peau et provoquent un saignement modéré, facile à contrôler.

  • Laver abondamment à l’eau claire ou au sérum physiologique,
  • Désinfecter avec un antiseptique doux (type chlorhexidine),
  • Appliquer un pansement stérile compressif,
  • Surveiller les signes d’infection (rougeur, douleur, chaleur, écoulement).

Coupure profonde

Plus grave, ce type de blessure atteint parfois les nerfs, les tendons ou les muscles.

  • Comprimer la plaie avec une compresse stérile ou un linge propre,
  • Surélever le membre blessé,
  • Ne jamais tenter d’ôter un corps étranger,
  • Appeler immédiatement le 15 ou le 112.

En cas d’amputation d’un doigt ou d’un membre

Certaines amputations partielles ou complètes peuvent être réparées si une prise en charge rapide est assurée et si le segment est bien conservé.

  • Appeler les secours d’urgence sans délai,
  • Protéger le segment sectionné avec un linge propre,
  • Le placer dans un sac plastique hermétique, lui-même mis dans un contenant rempli de glace (sans contact direct),
  • Noter l’heure de l’accident.

Une réimplantation est envisageable jusqu’à 6 heures après l’accident selon l’état du segment.

En cas d’atteinte oculaire (projection de particules ou de produits chimiques)

Les projections d’éclats, de poussières ou de produits agressifs peuvent causer des lésions irréversibles si elles ne sont pas prises en charge immédiatement.

  • Rincer l’œil atteint avec de l’eau tiède ou du sérum physiologique pendant au moins 10 à 15 minutes,
  • Ne jamais frotter ni appuyer sur l’œil,
  • Ne pas tenter de retirer un corps étranger,
  • Consulter en urgence un ophtalmologiste ou un service spécialisé.

Les dommages aux tissus oculaires peuvent s’aggraver en moins de 3 minutes après contact avec un produit chimique corrosif.

Métiers les plus exposés aux risques de coupures et sectionnements

Les coupures, les lacérations et les amputations sont loin d’être des accidents isolés dans certains métiers. Industrie, BTP, métiers de bouche ou maintenance : partout où on manipule des outils tranchants, des machines rotatives ou des matériaux à bords vifs, le risque est permanent.

1. Travailleurs de l’industrie et de la maintenance

Dans les ateliers industriels, les lignes de production et les services de maintenance, les professionnels manipulent des équipements lourds et des outils de coupe à haute précision. Le danger réside autant dans l’usage que dans la maintenance des machines. Les tâches les plus à risque incluent :

  • La conduite ou l’entretien de machines de découpe mécanique ou numérique (fraiseuse, scie, presse),
  • La manipulation de pièces métalliques brutes ou usinées présentant des arêtes vives,
  • Les opérations de réglage ou de dépannage, parfois effectuées en urgence, sans consignation.

Types de blessures fréquemment déclarées :

  • Coupures profondes des mains et des avant-bras, notamment lors du remplacement de lames ou du retrait de pièces coincées,
  • Lacérations causées par des copeaux métalliques ou des surfaces non ébavurées,
  • Sectionnements partiels lors d’interventions sur des équipements en rotation ou mal arrêtés.

Le secteur industriel concentre près de 23 % des accidents de travail liés à des objets tranchants. Les branches les plus touchées sont la métallurgie, la mécanique et la fabrication de pièces métalliques où le rythme soutenu accentue encore le risque d’accidents lors des phases de production ou de maintenance.

2. Métiers du BTP et de la construction

Les professionnels du bâtiment sont exposés en continu à des risques de coupure et de sectionnement, en raison de la nature même de leurs outils et matériaux. Sur les chantiers, souvent peu stabilisés ou exposés aux intempéries, la manipulation d’objets tranchants est fréquente et rarement sans danger. Les situations à risque les plus fréquentes incluent :

  • Utilisation de scies circulaires, meuleuses, disques diamantés ou scies sabres pour les découpes de matériaux,
  • Pose ou découpe de carrelage, tôles, vitrages, panneaux de bois brut ou profilés métalliques,
  • Travail en hauteur ou sur sol instable entraînant des déséquilibres et des gestes incontrôlés.

Blessures les plus courantes

  • Lacérations aux doigts ou aux paumes, notamment lors du guidage manuel de matériaux,
  • Coupures profondes provoquées par l’effet de rebond (« kickback ») d’une meuleuse ou d’une scie,
  • Écorchures aux poignets ou aux jambes lors du transport de matériaux non conditionnés.

Selon l’OPPBTP, les jeunes ouvriers et les intérimaires sont surreprésentés dans les accidents graves impliquant des outils de découpe. Cela s’explique par un manque d’expérience, de formation ou une pression de rendement plus forte.

3. Métiers de bouche

Les métiers de bouche, bouchers, poissonniers, charcutiers, traiteurs ou boulangers, manipulent chaque jour des outils de découpe particulièrement tranchants, souvent dans un environnement humide, rapide et physiquement exigeant. les sources de danger spécifiques incluent :

  • Utilisation intensive de couteaux de boucherie, scies à os, trancheuses, hachoirs ou affûteurs,
  • Produits glissants (poissons, viandes grasses, etc.) rendant les gestes moins précis,
  • Nettoyage des équipements en fin de service, souvent sous l’effet de la fatigue.

Les blessures typiques :

  • Coupures nettes et profondes aux doigts ou poignets,
  • Entailles causées par des gestes mal maîtrisés lors du tranchage ou de la découpe,
  • Lésions tendineuses dues aux gestes répétitifs ou à une mauvaise ergonomie du poste.

D’après l’INRS (2021), les métiers de bouche affichent l’un des taux les plus élevés d’accidents du travail avec arrêt dans l’artisanat tertiaire. Les blessures liées aux tendons et aux coupures profondes sont fréquentes, avec une part non négligeable de reconnaissances en maladies professionnelles.

4. Métiers de la logistique, du tri et du recyclage

Dans les entrepôts, les centres de tri, les plateformes de distribution ou les sites de recyclage, les professionnels manipulent une grande variété de colis, matériaux, emballages et déchets. Ces activités combinent cadence soutenue, répétitivité des gestes et contact direct avec des objets potentiellement coupants ou mal conditionnés.

Les agents de tri, préparateurs de commandes, caristes ou manutentionnaires sont exposés à :

  • Des films plastiques et des feuillards métalliques sous tension, souvent à l’origine d’entailles fines, mais profondes,
  • Des cartons ou des emballages rigides mal scotchés avec des bords saillants ou métalliques,
  • Des objets recyclés ou usagés (verre, canettes, ferrailles) contenant des brisures invisibles à l’œil nu,
  • Des déchets industriels non triés dans lesquels se trouvent parfois des lames, des éclats de verre ou des morceaux de tôle.

Les blessures fréquentes dans ces secteurs

  • Coupures aux mains et aux poignets, notamment lors de l’ouverture manuelle de colis ou de sacs sans protection adaptée,
  • Lacérations multiples dans le tri sélectif manuel, souvent causées par des objets cassés ou dissimulés,
  • Cas rares, mais graves de sectionnement partiel lors d’interventions mal sécurisées sur des tapis roulants, presses ou convoyeurs mécaniques.

Selon les statistiques AT/MP de l’Assurance Maladie (rapport 2022), les activités de tri, collecte et logistique représentent environ 5 % des accidents du travail liés à des coupures, nécessitant des soins médicaux d’urgence ou une interruption de travail prolongée.

5. Métiers d’entretien, de nettoyage et d’aide à domicile

Souvent considérés comme faiblement accidentogènes, les métiers de l’entretien, du nettoyage ou de l’aide à domicile exposent pourtant régulièrement les professionnels à des blessures par objets tranchants, notamment en raison de la diversité des tâches et des environnements.

Ces métiers englobent une multitude d’interventions où les coupures surviennent :

  • Lors du nettoyage manuel d’ustensiles ou d’équipements de cuisine (mixeurs, mandolines, râpes, trancheuses), parfois encore en tension mécanique,
  • En manipulant des sacs-poubelle ou bacs de collecte contenant du verre cassé, des lames jetables ou des objets non identifiés,
  • Lors de l’ouverture de produits ménagers (bidons, flacons, recharges) dont les bouchons rigides ou les arêtes internes peuvent blesser,
  • Pendant les rangements de vaisselle, d’outils ou de matériel médical sans gants adaptés.

Les blessures courantes

  • Coupures discrètes mais profondes sur les doigts ou l’intérieur des mains, souvent causées par un manque de visibilité ou de précaution,
  • Écorchures aux avant-bras lors du nettoyage dans des endroits exigus ou encombrés (dessous de lits, poubelles collectives, recoins de cuisine),
  • Plaies multiples chez les agents hospitaliers ou scolaires manipulant des déchets souillés ou mal triés.

Selon une étude de l’INRS, les métiers de la propreté comptent plus de 20 000 accidents du travail par an dont une part importante liée à des coupures ou des piqûres lors du ramassage de déchets ou du nettoyage de surfaces à risque.

Mesures de prévention des risques de coupures et sectionnements

Pour être efficace, la prévention ne doit pas se limiter à l’équipement de protection individuelle : elle commence dès la conception des postes, passe par une formation active des salariés et se renforce grâce à la maintenance rigoureuse des machines.

Préparation et organisation du poste de travail

Une organisation rigoureuse limite les gestes parasites, les oublis et les situations à risque. Chaque poste à potentiel coupant (atelier, cuisine, chaîne de production) doit répondre à des critères simples, mais essentiels :

Organisation visuelle claire :

  • Un emplacement pour chaque outil, des bacs de tri visibles, des supports muraux pour éviter les plans de travail encombrés.

Éclairage suffisant et ciblé :

  • Une mauvaise visibilité multiplie les erreurs. Un bon éclairage au niveau des mains est indispensable, surtout pour les travaux de précision.

Présence de dispositifs intégrés :

  • Carters de protection, grilles de sécurité, systèmes d’arrêt d’urgence (bouton coup de poing), écrans de séparation mobiles… ces éléments doivent être présents et fonctionnels à proximité de chaque machine dangereuse.

Utilisation d’Équipements de Protection Individuelle (EPI)

Les EPI ne remplacent pas les mesures collectives, mais ils en sont le complément indispensable. Leur efficacité dépend directement de leur conformité aux normes et de leur bon usage.

Gants anti-coupures (EN 388) :

  • Essentiels pour la manipulation de métaux, verres, plastiques rigides ou matériaux abrasifs.

Gants en maille inox :

  • Obligatoires dans la boucherie, les métiers de découpe, la poissonnerie et certains postes de préparation alimentaire.

Textiles techniques anti-coupures (EN 381) :

  • Très utilisés dans la sylviculture, les ateliers bois ou la découpe de matières denses.

Chaussures de sécurité avec semelle anti-perforation (EN ISO 20345) :

  • Protègent contre les chutes d’objets tranchants ou la perforation accidentelle.

Lunettes de protection (EN 166) :

  • Indispensables dès qu’il y a un risque de projection (sciage, meulage, perçage).

Visières ou casques intégraux :

  • Utilisés sur des machines à haute vitesse ou pour la découpe de matériaux cassants.

Formation et sensibilisation

Le facteur humain joue un rôle central dans les accidents par coupure. Un bon niveau de formation réduit les gestes inappropriés et améliore la réactivité en cas de situation à risque.

Formation initiale obligatoire :

  • Tout poste à risque nécessite une formation préalable sur les règles d’utilisation des outils et machines, le port des EPI, les risques spécifiques et les premiers secours.

Affichage clair des consignes :

  • Les procédures doivent être visibles et compréhensibles à proximité immédiate des postes à risque.

Sensibilisation continue :

  • Mise en place de “quarts d’heure sécurité”, retours d’expérience anonymes, simulations ou ateliers de prévention réguliers.

Présence de SST (Sauveteurs Secouristes du Travail) :

  • Leur intervention rapide limite la gravité des lésions en cas d’accident.

Maintenance et contrôle des équipements

Un matériel mal entretenu ou mal réglé est souvent à l’origine d’accidents graves, parfois évitables.

Contrôle périodique des systèmes de sécurité :

  • Arrêts d’urgence, capteurs de présence, barres palpeuses, carters… doivent être vérifiés à intervalles réguliers.

Affûtage et remplacement des outils de coupe :

  • Une lame émoussée augmente le risque de dérapage et la force nécessaire à la coupe, donc les risques.

Suivi documenté de la maintenance :

  • Les carnets de contrôle, les registres de maintenance ou les rapports d’audit permettent de tracer les actions correctives et préventives réalisées.

Près de 30 % des accidents liés aux outils tranchants pourraient être évités par une meilleure organisation des postes de travail et une maintenance rigoureuse des équipements.

Réglementation et obligations légales

La prévention des risques de coupure est encadrée par le Code du travail. Employeurs et salariés ont chacun des responsabilités. Le non-respect des normes peut entraîner des sanctions administratives ou pénales.

Normes de sécurité applicables : un cadre réglementaire clair

La prévention des coupures et sectionnements en milieu professionnel s’inscrit dans un cadre juridique bien défini. Le Code du travail, notamment sa partie réglementaire (Livre IV), encadre de manière stricte l’utilisation des équipements de travail et des équipements de protection individuelle. Les articles R.4321-1 à R.4324-6 précisent ainsi les obligations de l’employeur en matière de mise à disposition, d’entretien et de vérification du matériel utilisé par les salariés.

En parallèle, l’évaluation des risques professionnels constitue une exigence centrale. L’employeur est tenu de formaliser cette démarche dans le Document Unique d’Évaluation des Risques (DUERP), document qui doit être actualisé régulièrement, notamment à chaque changement significatif des conditions de travail. Cette évaluation sert de socle aux mesures de prévention mises en œuvre.

Enfin, l’article R.4323-95 du Code du travail souligne l’obligation de former et d’informer les travailleurs sur les risques liés aux équipements qu’ils utilisent et impose un contrôle rigoureux et régulier de ces dispositifs. Autrement dit, la conformité du matériel ne suffit pas : c’est aussi la capacité des opérateurs à l’utiliser en toute sécurité qui doit être garantie.

Dispositifs de protection obligatoires

Dans tout environnement de travail où sont utilisées des machines dotées d’éléments coupants, la mise en place de dispositifs de protection est non seulement indispensable, mais légalement obligatoire.

Toutes les machines doivent être équipées de protections physiques efficaces. Ces dispositifs peuvent être fixes (carters rigides, capots métalliques) ou mobiles (écrans ajustables, grilles de sécurité), mais leur fonction reste la même : empêcher l’accès direct aux zones dangereuses pendant le fonctionnement de l’outil. Leur absence ou leur désactivation est l’un des facteurs les plus fréquents dans les accidents graves par sectionnement.

Les zones de travail particulièrement exposées doivent également faire l’objet d’une signalisation claire et visible. Cela inclut un balisage au sol, des pictogrammes normalisés (conformément aux directives européennes sur la signalétique de sécurité), et, si nécessaire, des barrières physiques ou des écrans translucides pour isoler l’opérateur des autres personnes circulant à proximité.

Ces mesures visent à éviter non seulement les blessures directes, mais aussi les incidents secondaires liés aux projections de particules ou aux mouvements incontrôlés d’un outil en fonctionnement. Elles doivent être vérifiées régulièrement dans le cadre des contrôles de sécurité et considérées comme non négociables dans toute démarche de prévention.

Un risque omniprésent, mais qu’on peut éviter avec de la rigueur et de l’anticipation

Les coupures et les sectionnements restent parmi les accidents du travail les plus fréquents, parfois bénins, mais aussi parfois lourds de conséquences. Pourtant, ces blessures ne sont pas une fatalité.

Dans la grande majorité des cas, elles pourraient être évitées grâce à une organisation rigoureuse du poste de travail, l’utilisation systématique d’équipements de protection adaptés, une maintenance régulière des outils, et surtout, une véritable culture de la prévention partagée par tous.

La clé réside dans l’anticipation. Rien ne doit être laissé au hasard, même pas les gestes routiniers ou les manipulations considérées comme sans danger.

Les risques professionnels individuels

Sources

Laurent Corbé

Laurent Corbé est expert en risques professionnels. Il est le fondateur d'Abisco.fr, un site leader dans la commercialisation d'Equipements de Protection Individuelle

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