Les causes des glissades et trébuchements au travail

Les glissades et trébuchements sont souvent perçus comme des incidents bénins, presque inévitables. Pourtant, dans les faits, ils figurent parmi les principales causes d’accidents du travail, tous secteurs confondus. Qu’il s’agisse d’un sol humide, d’un câble mal rangé ou d’un tapis mal fixé, ces éléments apparemment anodins peuvent provoquer des chutes qui ont parfois des conséquences lourdes. Pour les employeurs, le coût humain s’accompagne souvent d’un coût financier élevé.
Dans ce contexte, prévenir les chutes de plain-pied, et plus spécifiquement les glissades et trébuchements, devient une priorité. Ce type de risque qu’on peut éviter mérite une approche rigoureuse et anticipatrice. Cela suppose donc d’identifier clairement les situations à risque, de sensibiliser les équipes et d’adapter l’environnement de travail à travers des aménagements concrets et durables.
Cet article propose une plongée approfondie dans les enjeux liés à ces accidents trop souvent négligés. En s’appuyant sur les données statistiques les plus récentes, les exigences réglementaires du Code du travail et les bonnes pratiques mises en œuvre dans les entreprises à l’international, nous vous guidons pas à pas pour mettre en place une stratégie de prévention efficace. L’objectif ? Réduire drastiquement les risques de chute de plein pied, améliorer le bien-être des salariés et faire de la sécurité un pilier de la performance collective.
Pourquoi peut-on glisser ou trébucher ?
Les glissades et trébuchements ne sont jamais le fruit du hasard. Ils résultent souvent d’une combinaison de facteurs matériels, environnementaux et humains. Pour bâtir une prévention efficace, il est essentiel de comprendre précisément les causes les plus fréquentes de ces incidents.
Sols glissants : un terrain miné pour la sécurité
D’après l’Assurance Maladie, près de 4 chutes de plain-pied sur 10 sont dues à un sol glissant, qu’il soit mouillé, gras ou verglacé. Ce risque est particulièrement élevé dans certains secteurs comme la restauration, la logistique ou le nettoyage où les sols sont souvent sollicités et exposés à l’humidité.
Limiter les risques de chute, ce n’est pas compliqué : quelques aménagements bien pensés peuvent vraiment faire la différence.
Quelles solutions pour l’empêcher ?
Voici des solutions efficaces à mettre en place selon le type de lieu et les conditions :
1. Poser des revêtements antidérapants
Dans les zones sensibles (escaliers, rampes, couloirs, zones de production, etc.), remplacer ou recouvrir le sol par un matériau antidérapant permet de sécuriser les déplacements. Pour quel résultat ? Un revêtement antidérapant génère jusqu’à 50 % d’accidents en moins, selon l’INRS. Un petit changement pour un gros impact !
2. Installer des tapis absorbants à l’entrée
Quand il pleut, les sols deviennent vite glissants, surtout près des entrées. Les tapis absorbants permettent de retenir l’eau des chaussures avant même qu’elle ne se répande sur le carrelage. Bien placés, ils peuvent réduire jusqu’à 80 % des incidents causés par l’humidité.
3. Pratiquer le salage préventif en hiver
Un sol verglacé, c’est une chute quasi assurée. Il est donc essentiel de saler les accès extérieurs (escaliers, trottoirs, parkings) avant que le gel ne s’installe. À défaut, le risque de chute est multiplié par 7. Un simple réflexe qui évite bien des accidents.
4. Prévoir des caillebotis ou bandes drainantes dans les zones humides
Dans les cuisines, les vestiaires, les sanitaires ou les ateliers, l’eau au sol est fréquente. Les caillebotis (grilles en plastique ou métal) ou les bandes drainantes permettent à l’eau de s’écouler rapidement sous les pieds. Résultat : moins de flaques, moins de glissades, plus de sécurité au quotidien.
Obstacles au sol : des pièges invisibles sous les pieds
Environ 27 % des chutes de plain-pied sont provoquées par des trébuchements. Dans la grande majorité des cas, ils sont dus à des objets oubliés au sol, des câbles qui traînent ou des défauts non corrigés sur le revêtement du sol (marche mal fixée, sol gondolé, etc.).
Ce qu’il faut retenir
- Plus de 12 000 accidents par an en France sont causés par des câbles ou du matériel mal rangé
- Près d’une entreprise sur deux ne met pas en place de protocole clair pour sécuriser les zones de circulation
Comment les éviter ?
On sous-estime souvent l’impact de l’aménagement des espaces de travail et pourtant, de petites actions très simples peuvent changer la donne.
1. Tracer et baliser les chemins de circulation
Dans un entrepôt, un atelier ou un grand open space, savoir où on peut marcher en toute sécurité est essentiel. En délimitant clairement les couloirs de circulation avec de la peinture au sol, des bandes fluorescentes ou des pictogrammes, les déplacements deviennent plus fluides… et plus sûrs.
Selon les études, cela peut réduire jusqu’à 40 % des accidents liés aux trébuchements.
2. Installer des couvre-câbles et un sol uniforme
Des câbles qui traînent, un changement brutal de revêtement, une dalle mal fixée… et c’est la chute assurée. En optant pour un sol homogène, sans bosses ni joints visibles et en canalisant tous les câbles dans des gaines ou sous des couvre-câbles, on évite les obstacles invisibles.
Un sol bien dégagé, des câbles rangés ou des passages identifiables du premier coup d’œil sont des gestes simples, mais qui améliorent à la fois la sécurité et le confort de travail pour tout le monde.
Défauts d’éclairage : quand l’ombre devient un danger
Un éclairage insuffisant est responsable de plus de 10 % des chutes sur le lieu de travail, d’après l’INRS. Lorsque la visibilité est mauvaise, il devient plus facile de trébucher sur un objet ou de mal évaluer une marche ou un changement de niveau. Un simple oubli d’ampoule ou une zone mal éclairée peut vite tourner à l’accident.
Dans les endroits peu ou mal éclairés, le risque d’accident est multiplié par deux, alors qu’une lumière bien pensée permet de réduire de moitié les erreurs de perception des distances et des reliefs.
Comment réduire les risques ?
Il existe des solutions concrètes pour sécuriser les lieux de travail.
1. Miser sur un éclairage LED de qualité
Un bon éclairage, c’est d’abord une lumière claire, constante et durable. Les lampes LED, par exemple, offrent une excellente luminosité et peuvent durer plus de 30 000 heures. Elles consomment peu et représentent un investissement rentable à long terme.
2. Installer des détecteurs de mouvement
Dans les zones de passage peu fréquentées (réserves, escaliers de secours, couloirs techniques), les détecteurs de mouvement garantissent que la lumière s’allume automatiquement dès qu’un mouvement est détecté. On évite ainsi les oublis d’allumage ou les déplacements dans le noir.
3. Ajouter des éléments photoluminescents
En cas de coupure de courant, la photoluminescence(ces marquages qui brillent dans le noir) devient un allié précieux. Posée sur les marches, les bords de quai ou les poignées de porte, elle guide efficacement les personnes vers la sortie ou les zones sûres.
Mauvaise visibilité des dangers : un défaut de signalétique
Dans les environnements en mouvement comme les chantiers, les entrepôts ou les usines, un mauvais balisage peut vite devenir un vrai danger. Quand rien n’est clairement indiqué, les salariés avancent à l’aveugle… et les risques de chute augmentent considérablement.
Quelques chiffres à retenir
- Une zone de travail sans marquage au sol présente 2,5 fois plus de risques de chute
- De simples pictogrammes bien placés peuvent réduire de 30 % le nombre d’incidents
La signalétique au service de la prévention
La signalisation ne sert pas qu’à « faire joli » ou à cocher une case réglementaire. Elle fait partie intégrante de la prévention des accidents, notamment dans les environnements où l’activité est intense et les risques nombreux. Voici comment bien l’utiliser pour sécuriser les déplacements :
1. Utiliser un code couleur standardisé
Les couleurs ne sont pas choisies au hasard. Elles transmettent un message clair et immédiat, même à distance ou en un coup d’œil :
Couleur | Signification | Exemples d’application |
Jaune | Indique un risque de glissade, de chute ou un sol potentiellement instable. | Sol mouillé, surface fraîchement nettoyée, zone de passage avec risque de dérapage. |
Rouge | Signale un danger immédiat ou une zone interdite d’accès, sauf autorisation spéciale. | Machines dangereuses, équipements à haute tension, zones à risque élevé ou en travaux. |
Bleu ou Vert | Utilisés pour rappeler les consignes de sécurité, indiquer un chemin à suivre, une sortie de secours ou une zone sans danger. | Flèches de circulation, panneaux d’évacuation, signalétique des équipements de sécurité. |
L’avantage ? Ce langage visuel universel permet de comprendre l’information sans avoir besoin de lire, ce qui est particulièrement utile dans les zones bruyantes ou à faible visibilité.
2. Installer des panneaux de signalisation clairs et normés
Les panneaux sont indispensables pour rappeler les règles de sécurité ou alerter sur des dangers spécifiques. Pour être efficaces, ils doivent respecter certains critères :
- Être à hauteur de regard, visibles de loin et bien éclairés
- Utiliser des symboles normalisés (ex. : triangle jaune avec point d’exclamation = attention !)
- Avoir un fond contrasté pour être lisibles même en cas de faible luminosité
Mieux vaut un pictogramme bien placé qu’un texte de 10 lignes qu’on ne lit jamais !
3. Appliquer un marquage au sol efficace
Le marquage au sol structure l’espace de travail : il guide les déplacements, délimite les zones de danger et sécurise les flux de circulation.
Voici les bonnes pratiques :
- Utiliser une peinture ou des bandes contrastées (jaune/noir, rouge/blanc)
- Préférer un revêtement antidérapant, surtout dans les zones à passage fréquent ou humide
- Afficher une résistance indispensable : le marquage doit tenir dans le temps, même avec des transpalettes, des chariots ou des allées piétonnes très sollicitées
- Adopter des formes simples et claires : flèches directionnelles, bandes pleines pour les chemins piétons, hachures pour signaler un danger ou une zone d’attente
Un sol bien balisé, c’est moins de confusion, moins d’accidents et une circulation plus fluide dans l’environnement de travail.
Facteurs humains : quand le comportement devient un risque
Même dans un espace bien aménagé et sécurisé, un accident peut survenir si la personne n’est pas dans de bonnes conditions physiques ou mentales. Fatigue, stress, surcharge de travail ou simple précipitation : ces facteurs humains sont souvent sous-estimés, mais ils jouent un rôle essentiel.
Quelques chiffres qui parlent d’eux-mêmes
- Un salarié fatigué a 3 fois plus de risques de tomber qu’un collègue reposé
- Plus de 40 % des glissades ont lieu en fin de journée lorsque la concentration baisse naturellement
- 1 accident sur 5 est lié à une surcharge mentale, à un excès de pression ou à un salarié qui travaille dans la précipitation
Comment améliorer la prévention des risques ?
Sécuriser un lieu de travail ne se limite pas à poser des revêtements antidérapants ou installer des panneaux. La véritable prévention passe aussi par l’humain. Agir sur le bien-être et la préparation des équipes, c’est investir dans une sécurité durable.
1. Former régulièrement les équipes : la prévention passe par la pédagogie
Une formation bien menée, c’est plus qu’un simple rappel des règles : c’est un moment pour expliquer les risques, partager les bons réflexes, et surtout impliquer les salariés dans la démarche de prévention. Les entreprises qui forment leurs équipes constatent jusqu’à 25 % d’accidents en moins.
C’est simple : plus on comprend les risques, mieux on les évite.
2. Favoriser le repos et l’ergonomie : prendre soin de la vigilance au quotidien
Les gestes de prévention les plus efficaces sont parfois les plus simples
- Accorder des pauses régulières (même de quelques minutes) aide à recharger l’attention et à éviter les erreurs d’inattention
- Faire tourner les postes permet de limiter la fatigue physique et mentale, notamment dans les tâches répétitives ou exigeantes
- Aménager le poste de travail de manière ergonomique (hauteur adaptée, matériel accessible, surface de sol confortable) réduit les tensions musculaires, soulage les articulations, et limite les risques liés aux mouvements mal exécutés
Résultat : moins de douleurs, moins de chutes, moins d’arrêts, et surtout une meilleure qualité de vie au travail.
Conditions inadaptées pour les PMR : un enjeu d’inclusion et de sécurité
Sur un lieu de travail, tout le monde n’avance pas au même rythme ni avec les mêmes capacités physiques. Les personnes à mobilité réduite (PMR), malvoyantes ou ayant besoin d’une aide à la marche sont jusqu’à 4 fois plus exposées aux chutes, notamment lorsque l’environnement n’est pas adapté.
Il faut dire que moins de 40 % des entreprises appliquent les règles d’accessibilité de base.
Quelques chiffres qui alertent
- 76 % des personnes à mobilité réduite disent avoir déjà été confrontées à des obstacles physiques au travail
- Les incidents les plus fréquents surviennent en l’absence de rampes, de contrastes visuels ou de signalisation adaptée aux personnes malvoyantes ou utilisant des aides à la marche
Adapter un lieu de travail aux personnes en situation de handicap, ce n’est pas un luxe ni une option : c’est une question de respect, d’égalité… et de sécurité. Quelques ajustements bien pensés peuvent transformer le quotidien et réduire considérablement les risques de chute.
Solutions pour assurer l’inclusion et la sécurité pour tous
Ce qui semble anodin pour certains, monter une marche, ouvrir une porte, accéder à un ascenseur, peut devenir un véritable parcours du combattant pour d’autres. Voici comment rendre un lieu véritablement accessible à tous.
1. Installer des rampes d’accès adaptées
Une simple marche peut suffire à bloquer l’accès à une personne en fauteuil. C’est pourquoi toute entrée doit proposer une rampe conforme aux normes
- Inclinaison douce
- Pas trop raide, pour éviter l’effort excessif ou le risque de bascule
- En général, on recommande une pente maximale de 5 % pour les rampes permanentes
- Surface antidérapante, même par temps humide
- Main courante solide des deux côtés, à hauteur confortable, pour offrir un appui sûr aux personnes ayant des difficultés à marcher
- Marquage visuel ou tactile pour les malvoyants
- Bandes contrastées ou reliefs
2. Vérifier que les ascenseurs sont accessibles à tous
L’ascenseur est un point clé dans l’accessibilité d’un bâtiment à différents niveaux. Pour être réellement inclusif, il doit
- Avoir des dimensions suffisantes pour accueillir un fauteuil roulant (au minimum 1,10 m x 1,40 m)
- Disposer de boutons à hauteur accessible, entre 90 et 130 cm du sol
- Proposer des boutons lisibles, contrastés et en braille pour les personnes malvoyantes ou non voyante
- Annoncer vocalement les étages ou utiliser des signaux sonores clairs
3. Choisir des revêtements de sol sûrs et adaptés
Les sols jouent un rôle crucial dans la sécurité de déplacement, notamment pour les personnes à mobilité réduite. Ils doivent être
- Lisses mais pas glissants, pour éviter les chutes tout en assurant une bonne adhérence aux roues de fauteuils ou aux cannes
- Sans obstacle
- Pas de seuil élevé entre les pièces
- Pas de tapis qui gondole ou qui glisse
- Niveau égal
- Pas de marches dissimulées
- Pas d’irrégularités qui pourraient faire trébucher ou bloquer les roues
- Faciles à entretenir
- Un sol bien entretenu reste sec, propre et lisible (pictogrammes, bandes directionnelles, etc.)
Adapter la signalisation pour les personnes malvoyantes ou désorientées
Percevoir l’espace qui nous entoure semble naturel… sauf quand la vue diminue ou que les repères deviennent flous. Pour les personnes malvoyantes, âgées ou désorientées, un lieu mal conçu devient rapidement une source de stress et de danger.
Avec quelques ajustements simples et bien pensés, on peut rendre chaque déplacement plus sûr, plus lisible… et plus digne.
1. Installer des bandes podotactiles au sol
Les bandes podotactiles sont ces surfaces en relief qu’on sent sous les pieds ou avec une canne blanche. Elles servent à prévenir d’un danger ou signaler un changement d’environnement
- Avant un escalier descendant, un passage piéton, une zone de croisement ou un changement de niveau
- Placées en perpendiculaire, elles signalent un danger
- En longitudinal, elles guident un chemin sécurisé
Elles doivent être posées dans le bon sens, à distance suffisante du danger (généralement 50 cm avant une marche), contraster avec le sol, visuellement et au toucher, et être bien fixées, pour ne pas créer un obstacle supplémentaire.
2. Créer des contrastes visuels marqués
Pour ceux qui distinguent encore les formes, jouer sur les couleurs et les contrastes est un excellent moyen de renforcer la lisibilité de l’espace
- Entre le sol et les murs, pour ne pas confondre les plans
- Entre une porte et son cadre, pour mieux repérer les accès
- Sur les nez de marches, pour distinguer chaque marche et ne pas la rater
Ces contrastes doivent être suffisamment francs, blanc/noir, rouge/gris clair, jaune/noir, etc., durables et non glissants s’ils sont au sol, et placés en priorité dans les zones à risque : escaliers, couloirs, entrées de pièce.
3. Adapter les commandes et points de contact
Trop souvent, les interrupteurs, les boutons d’appel ou d’ascenseur sont pensés pour des personnes valides, debout avec une vision normale. Mais en adaptant leur placement et leur design, on facilite l’autonomie de tous.
Ils doivent être
- À hauteur de main pour une personne en fauteuil (entre 90 et 130 cm),
- Faciles à manipuler, même avec une faible force ou un handicap moteur,
- Bien contrastés, et si possible avec pictogrammes en relief ou inscriptions en braille,
- Dotés d’un retour sonore ou lumineux pour confirmer l’action.
Un poste de travail bien aménagé, c’est deux fois moins de risques de chute pour une personne en situation de handicap. Mais c’est surtout un geste fort en faveur de l’inclusion et du respect de chacun.
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