Risque d'étouffement

Prévenir l’étouffement et la suffocation au travail : une stratégie intégrée et vitale

Par Laurent Corbé , le 7 juillet 2025 , mis à jour le 10 juillet 2025 - 14 minutes de lecture

Face aux risques respiratoires graves, la prévention ne peut se limiter à de simples équipements. Elle suppose une combinaison rigoureuse de moyens techniques, organisationnels et humains : détection, ventilation, formation, protocoles d’urgence, et équipements de protection. Chaque mesure compte et leur articulation cohérente détermine l’efficacité du dispositif de sécurité.

Prévention des risques d’étouffement et de suffocation

La prévention des risques respiratoires repose avant tout sur l’identification des situations à risque, la maîtrise de l’environnement de travail et l’utilisation de dispositifs de détection fiables. Ces mesures doivent être intégrées dans une stratégie globale, allant de l’évaluation des dangers à la mise en œuvre d’équipements et de protocoles adaptés.

Détection et surveillance des gaz : première ligne de défense

Dans les environnements à risque, la présence de gaz asphyxiants ou toxiques ne peut être ni vue, ni sentie. C’est pourquoi la mise en place de dispositifs de détection est indispensable pour garantir la sécurité des travailleurs. Ces appareils mesurent en temps réel la qualité de l’air, préviennent des anomalies, et permettent d’agir avant l’apparition des premiers symptômes d’asphyxie ou de suffocation.

Types de dispositifs à mettre en place

La prévention des risques liés aux gaz repose sur un triptyque essentiel : détection, alerte et intervention rapide. Les équipements ci-dessous doivent être choisis en fonction des environnements, des gaz potentiellement présents et de la durée d’exposition prévue. Ils complètent les protocoles de sécurité humaine en assurant une surveillance continue ou ponctuelle des atmosphères de travail.

ÉquipementFonction principaleGaz couramment surveillés
Détecteurs fixes (stationnaires)Surveillance en continu d’un local ou d’un espace closO₂, CO₂, CO, H₂S, CH₄, NH₃
Détecteurs portables (individuels)Contrôle individuel ponctuel (opérations mobiles)O₂, H₂S, solvants volatils, gaz explosibles
Systèmes d’alarme couplésDéclenchement d’alerte dès franchissement de seuilSignal sonore, visuel, connecté ou intégré

Ces équipements doivent être vérifiés, entretenus et étalonnés régulièrement, conformément aux exigences des normes françaises :

  • NF EN 60079-29-1 : Détection de gaz explosifs dans les atmosphères dangereuses.
  • NF EN 45544 : Détection de gaz toxiques et évaluation de leur concentration en continu.

Systèmes d’alerte en espace confiné : automatiser la vigilance

Dans les espaces clos, il est essentiel d’associer les capteurs à des systèmes d’alarme autonomes capables de déclencher une évacuation immédiate :

  • Alarme sonore et visuelle (gyrophare, flash, sirène) perceptible même avec des EPI auditifs.
  • Système interconnecté avec la ventilation ou l’arrêt des processus industriels.
  • Surveillance à distance ou relais d’alarme en salle de contrôle.

Selon l’INRS, les premières minutes après une chute du taux d’oxygène sont cruciales, car la victime peut déjà présenter des troubles cognitifs ou moteurs rendant toute réaction impossible.

Ventilation et aération des espaces confinés : restaurer un air respirable

Dans un espace confiné, l’absence de ventilation efficace est l’un des facteurs les plus critiques de suffocation ou d’asphyxie. Assurer un renouvellement constant de l’air permet non seulement de maintenir un taux d’oxygène suffisant, mais aussi d’évacuer les gaz dangereux produits ou présents dans l’environnement.

Les systèmes doivent être choisis et dimensionnés selon la configuration du lieu et la nature des risques.

ObjectifFonction ou bénéfice attendu
Évacuer les gaz inertes ou toxiquesÉviter l’accumulation de CO₂, H₂S, azote, etc.
Maintenir un taux d’O₂ ≥ 19,5 %Préserver un environnement respirable et prévenir l’hypoxie
Réduire les particules et vapeurs irritantesLimiter les troubles respiratoires liés aux poussières ou solvants
Assurer un renouvellement constant d’airPrévenir les poches d’air vicié lors d’interventions prolongées

Deux types de ventilation à connaître

Le choix du mode de ventilation dépend de la configuration de l’espace confiné et du niveau de risque identifié. Qu’elle soit naturelle ou mécanique, la ventilation doit assurer un renouvellement d’air suffisant pour maintenir une atmosphère respirable en continu.

Type de ventilationPrincipeCaractéristiquesLimites / Avantages
NaturelleOuverture des accès (portes, trappes, évents)Dépend de l’environnement et de la circulation d’air ambianteInefficace dans les espaces profonds ou fermés sans flux naturel
MécaniqueExtracteurs, insufflateurs, gaines mobilesAssure un débit constant, orientable et programmableEfficace, contrôlable, adaptable à tous types d’espaces

Une ventilation efficace doit être activée avant l’entrée, maintenue pendant toute la durée de l’intervention et prolongée après la sortie pour éviter toute reconstitution d’une atmosphère dangereuse.

Exemples de défaillances critiques de ventilation

Même avec un protocole en place, une erreur d’exécution ou une négligence technique peut transformer un espace confiné en piège mortel. Les exemples ci-dessous illustrent les conséquences concrètes d’une ventilation mal activée, défectueuse ou mal configurée.

Défaillance observéeContexte professionnelConséquence
Système d’insufflation non activéCuve en maintenance, test initial satisfaisant mais ventilation oubliéeChute rapide de l’O₂ → malaise en cours d’intervention
Ventilation obstruée par dépôtsSilo à céréales, absence d’entretien préventifCO₂ issu de la fermentation non évacué → intoxication d’un opérateur isolé
Branchement inversé de la ventilationIntervention industrielle, confusion sur l’extraction/insufflationIntroduction de vapeurs toxiques d’un compartiment voisin

Toute opération en espace confiné doit être précédée d’un test atmosphérique initial, suivie d’un renouvellement permanent de l’air, avec surveillance continue si l’intervention dure plus de 15 minutes.

Protection individuelle et collective : sécuriser l’intervention sur tous les plans

Lorsque les risques ne peuvent pas être entièrement supprimés par des moyens techniques (ventilation, détection), la protection individuelle et collective devient indispensable. Ces équipements, utilisés seuls ou en combinaison, permettent de limiter l’exposition et d’assurer la sécurité des intervenants, notamment en espaces confinés ou dans les environnements à atmosphère instable.

Équipements de protection individuelle (EPI) essentiels

Lorsque les risques ne peuvent pas être totalement éliminés par des moyens techniques (ventilation, détection), les EPI constituent la dernière ligne de défense du travailleur. Ils doivent être choisis en fonction du type de danger (gaz, poussières, confinement, contact chimique), correctement portés et systématiquement vérifiés avant chaque utilisation.

ÉquipementFonction principaleExemples d’usage
Masques respiratoires (FFP3, à cartouches filtrantes, ou à adduction d’air)Filtration ou apport d’air propre en atmosphère contaminée ou appauvrieCuves peu ventilées, silos, zones avec solvants ou particules
Harnais avec ligne de vie ou treuilPermet l’extraction d’urgence en cas de malaise ou de perte de connaissanceCiterne, puits, fosse ou espace profond sans issue directe
Détecteur individuel portableAlerte en temps réel en cas de baisse de l’oxygène ou de présence de gaz toxiques/explosifsIntervention ponctuelle dans un espace non contrôlé
Vêtements de protection (chimique, anti-coupure…)Protection contre projections, abrasions ou substances dangereusesManipulation de produits corrosifs ou de surfaces contaminées

Tous les EPI doivent être certifiés CE et faire l’objet de :

  • Un entretien régulier,
  • Une vérification avant chaque utilisation, conformément aux articles R.4323-95 à R.4323-104 du Code du travail.
Moyens de protection collective : sécuriser l’environnement, pas seulement l’individu

Les protections collectives visent à sécuriser durablement les lieux de travail à risque, indépendamment du comportement individuel. Elles doivent être visibles, accessibles et intégrées aux procédures standard de prévention.

Équipement / dispositifFonction / finalité
Dispositifs d’évacuation rapide (issues de secours, trappes, échelles intégrées)Permettre une sortie immédiate en cas d’incident ou de chute du taux d’oxygène
Systèmes de ventilation renforcée ou localiséeMaintenir une atmosphère respirable, évacuer les gaz ou vapeurs dangereux
Signalétique normalisée (pictogrammes, panneaux)Avertir du danger atmosphérique ou restreindre l’accès aux personnes non autorisées
Barriérage ou balisage physique (rambardes, chaînes, rubalise)Délimiter les zones à risque et éviter les intrusions accidentelles

Ces moyens doivent être intégrés dès la phase de conception des interventions et contrôlés régulièrement, notamment dans les espaces temporaires ou reconfigurables.

Exemple de combinaison efficace d’équipements en espace confiné

En situation à haut risque, la sécurité ne repose pas sur un seul dispositif, mais sur la combinaison cohérente de plusieurs protections. Voici un exemple concret d’équipement adapté pour une intervention dans un réservoir exposé à des gaz asphyxiants.

ÉquipementRôle spécifique
Détecteur individuel multigazAlerter en temps réel en cas de baisse d’O₂ ou de présence de CH₄, H₂S, CO
Masque à adduction d’airFournir un air respirable en atmosphère irrespirable ou instable
Harnais avec treuil de sécuritéPermettre l’extraction immédiate en cas de malaise ou d’incident
Moyen de communication radioMaintenir le lien avec un opérateur en poste de surveillance extérieur

Ce type de configuration respecte les exigences de prévention pour espaces confinés avec gaz explosibles ou asphyxiants et doit être accompagné d’un protocole d’entrée et de sortie sécurisé.

Équipement minimal requis selon les situations à risque en espace confiné

Cette fiche synthétique aide à déterminer les équipements indispensables selon le type de danger rencontré. Elle peut être utilisée pour préparer une intervention, former les équipes ou vérifier la conformité des protocoles de sécurité.

Type de risqueExemples de situationÉquipement individuel minimal requisProtection collective recommandée
Manque d’oxygène / atmosphère appauvrieCuve, silo, fosse, réservoir sans ventilationDétecteur multi-gaz, masque à adduction d’air, harnais avec treuil, radioVentilation mécanique, signalétique, opérateur de surveillance extérieur
Présence de gaz toxiques (CO, H₂S, solvants)Station d’épuration, local technique, chambre froide, fosse à bouesDétecteur individuel, masque à cartouches filtrantes ou adduction d’air, combinaison de protectionVentilation localisée, alarme couplée, plan d’évacuation
Présence de poussières ou particules inhalablesSilo à céréales, ponçage industriel, nettoyage de filtresMasque FFP3, lunettes, combinaison, gant, radioAspiration localisée, balisage, extraction d’air
Risque d’explosion (gaz inflammables, solvants)Cuves de solvants, maintenance sur conduites de gazDétecteur gaz explosibles, EPI antistatiques, radio ATEX, harnaisVentilation ATEX, balisage, plan d’évacuation rapide
Risque chimique (corrosifs, irritants)Nettoyage industriel, manipulation de produits actifsLunettes, gants nitrile, combinaison chimique, masque adaptéDouche oculaire, barrière physique, fiche de données de sécurité accessible

Ces équipements sont complémentaires à une évaluation de risque préalable et ne remplacent pas les tests atmosphériques ni les autorisations d’entrée en espace confiné.

Procédures d’évacuation d’urgence : anticiper l’irréversible

Face à un gaz toxique, une chute brutale du taux d’oxygène ou un étouffement soudain, chaque seconde compte. Une évacuation rapide, structurée et connue de tous peut sauver des vies. Ces procédures doivent être clairement définies, régulièrement testées et adaptées à chaque environnement de travail à risque.

Éléments indispensables d’un plan d’évacuation

Un plan d’évacuation efficace doit couvrir l’ensemble de la chaîne d’intervention, depuis la détection du danger jusqu’à la sortie sécurisée des opérateurs, en passant par l’alerte, la communication et la coordination avec les secours.

ComposantObjectifExemple de mise en œuvre
Plan d’intervention spécifiqueDéfinir les rôles, les itinéraires et les actions à entreprendreAffichage à l’entrée d’un silo ou d’une cuve
Moyens de communicationMaintenir la liaison entre l’intervenant et le poste de surveillanceTalkie-walkie, balise de détresse, interphone
Équipe de secours dédiéeIntervenir immédiatement en cas de malaise ou d’accidentOpérateur équipé, positionné en extérieur avec harnais et treuil
Signal d’alerte unifiéDéclencher une évacuation rapide et coordonnéeSirène, gyrophare, bouton d’arrêt d’urgence visible
Point de rassemblement sécuriséVérifier que tous les opérateurs sont sortis et indemnesZone balisée hors de la zone à risque immédiat

Ces éléments doivent être testés régulièrement lors d’exercices de sécurité, avec traçabilité des résultats, et intégrés dans le document unique d’évaluation des risques (DUERP).

Formation et exercices : ancrer les bons réflexes

La formation aux procédures d’évacuation ne peut pas se limiter à la théorie. Dans un espace confiné, les situations d’urgence exigent des réflexes précis, immédiats et automatisés. La répétition par la pratique est essentielle pour éviter les improvisations dangereuses.

ExigenceObjectifModalités recommandées
Connaissance des procéduresRéagir efficacement en cas d’incident, même sans visibilité ou communicationFormation obligatoire pour tout personnel intervenant en espace confiné
Exercices d’évacuation simuléeTester la réactivité et l’efficacité du dispositif d’alerte et de sortieOrganisation annuelle minimum, avec bilan écrit et plan d’amélioration
Comportement en cas d’incidentÉviter les erreurs de secours spontané non protégéIntégration dans les formations de retours d’expérience et cas concrets

Formation et sensibilisation des travailleurs

Les meilleurs équipements ne suffisent pas si les personnes qui les utilisent ne comprennent pas les risques ou n’ont pas été formées à réagir correctement. La formation continue et la sensibilisation des équipes sont des leviers majeurs pour anticiper les comportements dangereux, limiter les imprudences et intégrer les réflexes de sécurité au quotidien.

Formation continue : comprendre pour mieux agir

La formation en prévention des risques respiratoires ne peut être réduite à une session unique. Elle doit s’inscrire dans une démarche continue, s’adresser à l’ensemble des personnels concernés et intégrer les retours d’expérience pour rester opérationnelle face aux évolutions des pratiques et des équipements.

Objectif pédagogiqueCompétence attendue
Identifier les situations à risqueReconnaître les contextes d’étouffement, suffocation ou asphyxie
Connaître les symptômes d’alerteRéagir face à des signes de détresse respiratoire ou de perte de conscience
Maîtriser les EPI spécifiquesSavoir utiliser correctement les masques, détecteurs, harnais, radios
Réaliser les tests atmosphériquesVérifier la qualité de l’air avant toute entrée en espace confiné
Appliquer les gestes de secoursPratiquer la manœuvre de Heimlich, la RCP, et coordonner une évacuation

Conformément à l’article R.4141-3 du Code du travail, cette formation doit être documentée, évaluée, renouvelée régulièrement et intégrée aux plans de prévention annuels.

Sensibilisation sur site : rendre visibles les risques invisibles

Des actions régulières de sensibilisation ciblée renforcent la culture de sécurité :

  • Affichage pédagogique sur les seuils critiques d’oxygène.
  • Fiches réflexes à proximité des zones à risque.
  • Témoignages ou retours d’expérience après incidents réels ou simulés.

Ces rappels permettent de maintenir l’attention sur les risques diffus, souvent négligés par habitude ou excès de confiance.

Protocoles de sécurité rigoureux : zéro improvisation

Avant toute intervention dans une zone à risque respiratoire, il est impératif de suivre une procédure standardisée, documentée et connue de tous.

ÉtapeAction attendue
Test de l’atmosphèreVérifier O₂, gaz explosifs et toxiques avant entrée
Vérification des EPIContrôle du détecteur, masque, harnais, liaison radio
CommunicationMise en place d’un poste de surveillance extérieur
Feuille de pointageInscription de toute personne entrant/sortant
Check-list sécuritéValidation préalable par un responsable autorisé

Un protocole clair réduit les marges d’erreur humaines et garantit un niveau homogène de sécurité, y compris en cas de remplacement de personnel ou d’urgence.

Les risques d’étouffement

Sources

Laurent Corbé

Laurent Corbé est expert en risques professionnels. Il est le fondateur d'Abisco.fr, un site leader dans la commercialisation d'Equipements de Protection Individuelle

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