Risque de brulure

Brûlures solaires professionnelles : les métiers les plus exposés aux UV

Par Laurent Corbé , le 8 juillet 2025 , mis à jour le 10 juillet 2025 - 11 minutes de lecture

Travailler dehors, en plein soleil, fait partie du quotidien de milliers de professionnels. Mais derrière cette routine, se cache une réalité sanitaire préoccupante : l’exposition prolongée aux rayonnements UV au travail constitue un risque réel, encore trop souvent négligé.

Activités agricoles, paysagères et espaces verts : une exposition structurelle, métier par métier

Les professions du monde agricole et de l’entretien paysager ont en commun un rapport direct, quotidien et prolongé avec l’environnement extérieur. C’est cette immersion continue à ciel ouvert, couplée à des rythmes de travail exigeants qui expose fortement les travailleurs à la brûlure solaire.

Agriculteurs et maraîchers

Travaillant dans les champs pour semer, désherber, récolter, trier, les agriculteurs sont particulièrement vulnérables entre avril et octobre, période de forte activité et de fort ensoleillement. Qu’il s’agisse de grandes cultures ou de petites exploitations maraîchères, le travail se fait souvent entre 10 h et 16 h lorsque les UVB sont les plus intenses. Les longues sessions de binage ou de cueillette, parfois agenouillé, exposent particulièrement la nuque, les avant-bras et les jambes.

Viticulteurs et ouvriers agricoles

Dans les vignes ou les vergers, les travailleurs se déplacent dans des allées étroites, bordées de feuilles qui réfléchissent la lumière. Lors des vendanges ou de la taille, ils passent des heures le dos courbé, la nuque tournée vers le soleil. L’orientation des rangs, les reflets sur les grappes ou sur les bâches anti-oiseaux augmentent la réverbération, même par temps nuageux.

Jardiniers, agents d’entretien des parcs et espaces verts

Tondre, tailler, désherber, planter : autant de gestes réalisés au fil des saisons, parfois sans tenir compte de l’indice UV du jour. L’activité dans les espaces verts urbains est souvent perçue comme moins à risque, car « citadine ». Pourtant, la lumière se réfléchit sur les murs clairs, les sols bétonnés, les vitres des immeubles ou les étendues herbeuses humides après l’arrosage. Et l’absence de pauses à l’ombre ou de vêtements protecteurs adaptés reste fréquente, faute de sensibilisation ou de dotation adéquate.

Agents forestiers, horticulteurs, paysagistes

Même dans des environnements végétalisés ou boisés, les travailleurs ne sont pas à l’abri. L’altitude (dans les forêts de montagne), la rareté de l’ombre en zones dégagées où la réverbération sur les outils brillants ou les éléments d’aménagement (bassins, pavés clairs) sont autant de facteurs aggravants. Les horticulteurs, eux, travaillent aussi en serres où les UV traversent le verre ou les plastiques, piégeant chaleur et rayonnement.

Le lien entre tâches agricoles et pathologies cutanées reste mal reconnu, alors que des études épidémiologiques confirment aujourd’hui une surreprésentation des kératoses actiniques et des carcinomes chez ces professionnels.

BTP et métiers du bâtiment : une surexposition quotidienne, rarement évitable

En hauteur ou à découvert, les professionnels du bâtiment évoluent dans des conditions où la protection contre les UV reste un défi permanent. Les métiers du BTP (couvreurs, étancheurs, maçons, charpentiers, façadiers) s’exercent très souvent en extérieur, dans des environnements largement ouverts, sans abri naturel. Cette configuration rend l’exposition au rayonnement solaire constante, multidirectionnelle… et souvent sous-estimée.

Travaux sur toitures, échafaudages et charpentes

Couvreurs, charpentiers et étancheurs travaillent fréquemment en hauteur, à découvert, sur des surfaces en pente où l’ombre est inexistante. L’orientation du toit, l’altitude du chantier, et la proximité du ciel intensifient l’exposition directe aux UV.

Les matériaux utilisés (tuiles vernissées, bardeaux métalliques, bitume liquide) peuvent aussi chauffer intensément et réfléchir les rayons UV, exposant ainsi le visage, les bras et la nuque à une double irradiation, directe et par réverbération. Dans ces conditions, les coups de soleil sont fréquents, notamment lors de journées nuageuses où la vigilance baisse.

Maçonnerie, façades et travaux de béton

Maçons, façadiers et ravaleurs de façade interviennent souvent sur des zones à forte réverbération : murs clairs, bétons frais, enduits. Les échafaudages métalliques, les vitrages non traités et les surfaces cimentées agissent comme des miroirs UV, atteignant des zones corporelles qu’on pense protégées (menton, narines, nuque).

Lorsque le chantier est orienté plein sud ou situé dans une cour fermée, l’effet “caisse de résonance thermique” intensifie encore l’exposition. Or, les EPI sont souvent inadaptés.

Chaleur, effort physique et rayonnement : un trio à haut risque

En période estivale, l’exposition solaire s’ajoute à des efforts physiques intenses : port de charges, posture accroupie prolongée, manutention lourde. Cela provoque une sudation importante qui diminue la protection naturelle de la peau, accélère la déshydratation et favorise la perméabilité aux UV.

Dans certains cas, les brûlures sont associées à des malaises, coups de chaleur ou réactions cutanées aggravées par la transpiration et la poussière. Les avant-bras, le haut du dos, le visage ou les oreilles sont les zones les plus touchées… alors même qu’elles sont rarement protégées de manière adéquate.

Malgré la fréquence des expositions, la culture de prévention UV dans le bâtiment reste faible. Les protections sont souvent vues comme contraignantes ou incompatibles avec les exigences du chantier. Pourtant, les pathologies cutanées, les arrêts de travail pour brûlures ou les risques de cancers professionnels ne cessent d’augmenter dans cette filière.

Logistique, transport et manutention : une exposition fragmentée mais continue

Dans les secteurs du transport, de la logistique et de la manutention en extérieur, les UV ne frappent pas d’un seul bloc comme dans les champs ou sur les toitures. Ils agissent de manière intermittente, mais répétée, souvent à l’insu des travailleurs concernés. Chauffeurs routiers, livreurs, opérateurs portuaires, agents de quai ou magasiniers en zone non couverte sont ainsi exposés à une irradiation silencieuse… mais cumulative.

Postes mobiles, cabines vitrées et gestes répétés

Les chauffeurs poids lourds ou livreurs passent une grande partie de leur journée en cabine. Or, les vitrages classiques, s’ils filtrent les UVB, laissent encore passer une quantité importante d’UVA,  responsables du vieillissement cutané et de certaines lésions profondes. Résultat : une exposition asymétrique, souvent visible sur le bras gauche ou le visage côté vitre.

Lors des livraisons ou opérations de quai, l’ouverture des portières, le chargement en plein soleil ou les arrêts prolongés en zone non ombragée intensifient l’exposition, même sur de courtes périodes… mais qui se répètent des dizaines de fois par jour.

Zones industrielles, quais et entrepôts à ciel ouvert

Les manutentionnaires et les opérateurs travaillant sur des plateformes extérieures comme les entrepôts portuaires, les quais logistiques ou les bases de chantier évoluent dans des environnements peu ou pas protégés. L’absence de structures fixes d’ombrage, combinée à des revêtements de sol réfléchissants (béton, gravier clair, asphalte humide), amplifie la dose d’UV absorbée.

Les pics d’activité en milieu de journée, souvent sous des températures élevées, limitent les pauses à l’ombre et augmentent le stress thermique… qui, en plus de favoriser la déshydratation, réduit la résistance naturelle de la peau.

Une accumulation silencieuse… et souvent ignorée

Parce que l’exposition est morcelée et mobile, les professionnels de la logistique ou du transport négligent souvent leur protection. Peu d’entre eux portent des vêtements couvrants anti-UV, des lunettes normées ou utilisent une crème solaire à renouveler en cours de journée.

Or, les micro-agressions cutanées s’accumulent, jour après jour : taches pigmentaires, vieillissement prématuré, lésions kératosiques… autant de signes avant-coureurs d’un risque dermatologique qui reste souvent non diagnostiqué dans ces métiers.

Certaines pathologies professionnelles liées aux UV (kératoses, photodermatoses, carcinomes cutanés) sont aujourd’hui reconnues dans plusieurs pays comme maladies professionnelles pour les travailleurs exposés de façon répétée à l’extérieur même sans activité dite « solaire ».

Sports, loisirs et animation extérieure : quand activité rime avec exposition

Les professions du sport et des loisirs en plein air sont, par nature, fortement exposées aux rayonnements UV. Éducateurs sportifs, maîtres-nageurs, guides de randonnée, moniteurs de colonie, arbitres ou animateurs de terrain évoluent dans des environnements où le soleil est omniprésent : plages, piscines, terrains synthétiques, sentiers, stades ou plaines de jeux.

Tenue légère, mobilité constante : une protection naturellement limitée

Ces professionnels adoptent des vêtements conçus pour la liberté de mouvement, la ventilation et la performance… mais rarement pour la protection solaire. Shorts, débardeurs, maillots, casquettes légères : ces équipements, bien qu’adaptés à l’activité physique, laissent de nombreuses zones exposées (nuque, épaules, bras, jambes, visage).

Leur posture dynamique empêche parfois l’application régulière de crème solaire tandis que la sueur élimine rapidement la protection initiale, sans toujours permettre un renouvellement adéquat.

Réverbération, humidité,absence d’ombre : des facteurs aggravants

Les environnements de travail typiques amplifient l’exposition aux UV :

  • Les surfaces claires (sable, béton, revêtements synthétiques, neige) renvoient une part significative des rayons UV vers le corps, accentuant les brûlures au niveau du menton, de la nuque ou des mollets.
  • La transpiration, en humidifiant la peau, réduit l’efficacité de la barrière protectrice naturelle et de certaines crèmes solaires.
  • Le manque d’ombre structurelle oblige à rester en plein soleil, parfois plusieurs heures d’affilée, sans possibilité de repli.

Une accumulation sournoise… aux conséquences durables

Dans ces métiers rythmés par la saisonnalité, les journées à fort rayonnement s’enchaînent. Il n’est pas rare qu’un éducateur ou un maître-nageur passe 30 à 40 heures par semaine en extérieur, souvent sur les mêmes zones de peau. Cette exposition répétée entraîne une accumulation d’agressions invisibles :

  • Coups de soleil répétés,
  • Pigmentation irrégulière,
  • Épaississement ou sécheresse de la peau,
  • Kératoses actiniques sur les zones découvertes.

Avec le temps, ces lésions chroniques peuvent évoluer vers des pathologies plus graves, notamment chez les professionnels ayant un phototype clair, des antécédents familiaux ou une exposition précoce et prolongée.

La protection contre les UV dans les métiers du loisir ne doit pas être laissée à la seule initiative individuelle. Elle nécessite une prise en compte organisationnelle (temps de pause, accès à l’ombre, équipement fourni), des campagnes de sensibilisation spécifiques au secteur et une reconnaissance du risque dans les politiques de santé au travail.

Tableau récapitulatif – Professions à risque élevé de brûlures par rayonnement UV

Secteur / MétierSituation de travail exposanteFacteurs aggravants
Agriculture & espaces vertsTravaux en plein champ, dans les plantations, entretien des espaces verts, sans ombrage naturelRéverbération sur sol clair, feuilles humides, exposition continue aux heures les plus ensoleillées
BTP & couvertureTravaux sur toitures, chantiers en extérieur, maçonnerie en façade, charpenteSurfaces réfléchissantes (zinc, béton, verre), absence de structures d’ombre, travail en hauteur
Logistique extérieure & transportChargement/déchargement sur quais ouverts, conduite prolongée sans vitres teintéesRayonnement indirect par pare-brise, temps d’exposition cumulé, absence de film anti-UV
Sport & loisirs en plein airAnimation, entraînement, surveillance ou pratique sur terrains exposés (piscines, stades, plages)Tenue légère, transpiration, surfaces réfléchissantes (eau, sable, pelouses synthétiques)
Énergies renouvelables & maintenanceTravaux sur panneaux solaires, éoliennes, toitures photovoltaïquesAltitude, rayonnement combiné direct et indirect, exposition prolongée sans possibilité de repli rapide

Brulures solaires

Sources

Laurent Corbé

Laurent Corbé est expert en risques professionnels. Il est le fondateur d'Abisco.fr, un site leader dans la commercialisation d'Equipements de Protection Individuelle

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