Risque d'empoisonnement

Gestion du risque chimique au travail : obligations légales, prévention et responsabilités de l’employeur

Par Laurent Corbé , le 7 juillet 2025 , mis à jour le 10 juillet 2025 - 5 minutes de lecture

La gestion du risque chimique est strictement encadrée par le droit du travail. Les employeurs ont des obligations précises en matière d’évaluation, de prévention, de protection et d’information des salariés exposés à des substances dangereuses.

Cadre législatif et obligations générales

Certains textes encadrent l’usage des substances dangereuses en entreprise avec des exigences spécifiques pour l’évaluation, la prévention, l’information et le suivi des travailleurs exposés.

Le Code du travail : pilier de la prévention en entreprise

Le Livre IV, titre I du Code du travail, notamment les articles R. 4412-1 à R. 4412-160, établit les fondements de la prévention du risque chimique en milieu professionnel. Ce cadre impose à l’employeur de :

  • Évaluer précisément les risques liés aux agents chimiques dangereux (obligation d’analyse préalable),
  • Mettre à disposition les Fiches de Données de Sécurité (FDS) pour chaque produit utilisé,
  • Respecter les Valeurs Limites d’Exposition Professionnelle (VLEP) définies par voie réglementaire,
  • Mettre en œuvre toutes les mesures techniques, organisationnelles et individuelles permettant de supprimer ou, à défaut, de limiter l’exposition.

La traçabilité de cette évaluation est obligatoire via le DUERP.

Les règlements européens REACH et CLP : sécuriser l’usage des substances

Adopté en 2006, le règlement REACH (CE n° 1907/2006) impose aux fabricants, importateurs et utilisateurs en aval de substances chimiques une obligation d’enregistrement et de communication sur leurs usages sûrs. Ce texte fondamental a permis de retirer du marché certaines substances particulièrement préoccupantes ou d’en restreindre l’usage via une procédure d’autorisation.

Le règlement CLP (CE n° 1272/2008), quant à lui, encadre la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances dangereuses, conformément au système mondial harmonisé (SGH). Il impose des pictogrammes normalisés, des mentions de danger ainsi que des conseils de prudence à afficher sur chaque produit.

Directive CMR : une vigilance renforcée pour les substances les plus dangereuses

La directive 2004/37/CE, transposée en droit français, concerne spécifiquement les agents CMR (cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction). Elle impose une substitution systématique lorsque cela est techniquement possible, une évaluation approfondie de l’exposition et une surveillance médicale renforcée pour les travailleurs exposés. Les employeurs doivent par ailleurs tenir un registre d’exposition, transmis au service de santé au travail et consultable par le salarié à tout moment.

Une réglementation sectorielle renforcée selon les métiers

Certaines activités, notamment dans le BTP, l’industrie chimique, la métallurgie ou le traitement de surface, sont soumises à des obligations renforcées. Cela inclut :

  • La mesure régulière de l’atmosphère de travail (poussières, gaz, vapeurs),
  • La mise en œuvre de plans de retrait ou de confinement pour des substances interdites (comme l’amiante),
  • Des dispositions particulières en matière de formation, information et traçabilité médicale.

Responsabilités et sanctions en cas de manquement

Lorsqu’un salarié est exposé à une substance toxique sans protection suffisante, l’employeur peut voir sa responsabilité engagée sur tous ces plans : pénal, civil, administratif, voire dans le cadre de la reconnaissance d’une maladie professionnelle. La jurisprudence rappelle régulièrement que l’employeur a une obligation de sécurité de résultat, notamment en matière d’exposition aux risques chimiques.

Responsabilité pénale de l’employeur

En cas de manquement grave ou de négligence caractérisée, l’employeur peut être poursuivi pour mise en danger délibérée d’autrui, voire pour homicide ou blessures involontaires si l’exposition a conduit à un accident grave ou au décès d’un salarié. Le Code du travail (articles L. 4741-1 et suivants) prévoit également des peines en cas de non-respect des règles de sécurité ou d’absence de mise en œuvre des mesures prévues par le DUERP.

Responsabilité civile et réparation du préjudice

En parallèle du volet pénal, la responsabilité civile de l’entreprise peut être engagée si le manquement à la sécurité a causé un dommage. L’indemnisation peut concerner des frais médicaux, une perte de revenus ou encore un préjudice moral. Ces procédures sont souvent engagées en cas d’exposition prolongée ayant entraîné des affections graves, notamment respiratoires ou cancérogènes.

Sanctions administratives possibles

L’inspection du travail peut émettre une mise en demeure demandant la mise en conformité immédiate. En l’absence de réponse ou en cas de danger avéré, l’administration dispose du pouvoir de suspendre l’activité concernée voire, dans les cas les plus graves, d’ordonner la fermeture temporaire de l’établissement, afin de protéger les salariés.

Reconnaissance en maladie professionnelle

Les pathologies liées à l’exposition à des agents toxiques figurent dans les tableaux des maladies professionnelles, notamment les tableaux 6 (affections broncho-pulmonaires), 25 (affections causées par le plomb) ou encore 49 (affection provoquée par les solvants organiques). Une telle reconnaissance ouvre droit à une prise en charge renforcée par la branche AT/MP, incluant une indemnisation spécifique et, le cas échéant, une rente d’incapacité permanente.

Le risque chimique

Sources

 

Laurent Corbé

Laurent Corbé est expert en risques professionnels. Il est le fondateur d'Abisco.fr, un site leader dans la commercialisation d'Equipements de Protection Individuelle

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