Risque de chute

Quels sont les facteurs de risque de chute de hauteur ?

Par Laurent Corbé , le 23 juin 2025 , mis à jour le 10 juillet 2025 - 14 minutes de lecture

Table des matières

Chaque année, les chutes d’une toiture, d’un échafaudage ou d’un escalier figurent parmi les principales causes d’accidents graves, voire mortels, au travail. Ces situations à risque touchent de nombreux secteurs et les conséquences sont souvent lourdes, tant pour les victimes que pour les entreprises.

Ces accidents résultent souvent d’un défaut d’anticipation, d’un manque de formation ou d’équipements inadaptés. Les risques des chutes de hauteur au travail ne concernent pas uniquement ceux qui travaillent en hauteur, car les personnes qui passent en dessous peuvent être percutés par un objet qui tombe.

Cet article propose une analyse claire des risques liés aux chutes d’une toiture, d’un échafaudage, d’un escalier et offre des pistes concrètes pour renforcer la sécurité sur les chantiers et sites professionnels. Il aborde aussi bien les obligations réglementaires que les bonnes pratiques terrain, car chaque accident évité est un pas de plus vers un environnement de travail plus sûr.

Chutes de hauteur d’un toit, d’un échafaudage, d’un mur ou d’un escalier : un risque sous-estimé

Les chutes de hauteur restent une des principales causes d’accidents du travail en France. Selon l’Assurance Maladie, près d’un accident sur cinq est lié à une chute dans le cadre professionnel. En 2019, 95 décès ont été recensés, dont deux tiers consécutifs à une chute depuis un toit ou un échafaudage. Des chiffres alarmants qui révèlent l’étendue du problème, en particulier dans les environnements où le travail en hauteur est courant.

Un danger transversal, au-delà du BTP

Si les secteurs du bâtiment et des travaux publics restent les plus touchés, ils ne sont pas les seuls concernés. Les métiers de l’entretien, de la maintenance, du nettoyage industriel ou encore de la logistique sont eux aussi confrontés à des situations à risque. Même dans des milieux a priori moins exposés comme les bureaux, certains aménagements (escaliers, mezzanines) ou interventions techniques peuvent engendrer des chutes aux conséquences sérieuses.

Quels sont les principaux facteurs de risque ?

Comprendre les causes des chutes de hauteur est essentiel pour mieux les prévenir. Elles peuvent être d’ordre technique, humain, environnemental ou organisationnel. Les identifier permet de mettre en place des actions ciblées, durables et adaptées aux réalités du terrain.

Des infrastructures et équipements défaillants

L’environnement de travail et les outils utilisés jouent un rôle majeur dans la sécurité des interventions en hauteur. Une configuration inadaptée ou un matériel mal entretenu peut transformer une tâche ordinaire en source de danger.

Protections collectives absentes ou incomplètes

Les protections collectives comme les garde-corps, filets de sécurité, lignes de vie sont parfois oubliés, mal installés ou jugés « superflus », notamment pour des interventions brèves. Pourtant, ces dispositifs sont la première ligne de défense contre les chutes.

Matériel inadapté ou vétuste

L’utilisation d’équipements non conformes, échafaudage mobile mal calé, échelle branlante, toiture fragile, accroît le risque d’accident. L’absence de contrôle du matériel ou une méconnaissance de son état est souvent en cause.

Installations mal conçues ou instables

Un poste de travail mal pensé, un plancher glissant ou un échafaudage monté sans vérification peuvent s’avérer très dangereux. Parfois, l’agencement des lieux contraint les travailleurs à adopter des postures risquées ou à circuler dans des zones non protégées.

Des comportements à risque et un manque d’encadrement

Les habitudes de travail et le niveau de vigilance des équipes influencent directement le niveau de sécurité. Sans formation ni cadre structuré, les risques augmentent considérablement.

Formation insuffisante ou absente

De nombreux professionnels, notamment les intérimaires ou les nouveaux venus, ne connaissent pas les bons réflexes : port du harnais, choix d’un point d’ancrage, utilisation correcte des EPI. L’absence de mises à jour régulière des connaissances aggrave cette lacune.

Pression sur les délais et les coûts

Pour respecter un planning ou éviter des pénalités, certains travailleurs rognent sur la sécurité : intervention sans binôme, suppression d’un équipement jugé trop contraignant et raccourcis dans les procédures.

Encadrement peu présent ou laxiste

Sans supervision active, les règles ne sont pas appliquées. Un manque de contrôles réguliers, de rappels concrets ou de culture sécurité partagée encourage les prises de risques.

Un environnement parfois hostile

Les conditions extérieures et l’environnement immédiat de travail peuvent amplifier les dangers, même avec du matériel conforme.

Intempéries et conditions climatiques

Pluie, vent, neige, verglas rendent les surfaces glissantes et déstabilisent les structures. Les chutes de plain-pied et les déséquilibres deviennent plus fréquents.

Éclairage insuffisant et encombrement

Un chantier mal éclairé empêche d’identifier les vides ou les obstacles. Câbles, gravats ou outils au sol peuvent provoquer des trébuchements.

La fatigue et l’isolement en mission

L’état physique et psychologique d’un travailleur influe fortement sur sa capacité à rester vigilant.

Fatigue, stress, manque de pauses

Horaires décalés, longues journées, astreintes… La charge mentale et physique altère les réflexes. Le stress ou la pression hiérarchique peuvent détourner l’attention des règles de sécurité.

Travail en isolement

Une intervention seule en hauteur augmente les risques. En cas de chute, les secours peuvent tarder à intervenir. L’absence de binôme ou de moyen de communication fiable (bruit, distance, configuration) empêche d’agir rapidement.

Des procédures inadaptées ou inexistantes

Même avec de bons outils, une sécurité efficace passe par des procédures claires, comprises et appliquées.

Plans de prévention insuffisants

Dans les environnements multi-entreprises, le manque de coordination entre intervenants est un facteur critique. Sans répartition claire des responsabilités, les erreurs s’accumulent.

Absence d’analyse de risque préalable

Chaque situation de travail en hauteur est unique. Sans évaluation spécifique (toit incliné, vent fort, accès difficile), les mesures mises en place peuvent être inadaptées.

Défaut de signalisation

Un périmètre non balisé peut mettre en danger des personnes extérieures : passants, collègues en contrebas, visiteurs. Une chute d’outil ou une zone instable doit toujours être clairement identifiée.

Focus sur les principaux risques 

Les risques liés aux chutes en hauteur ne concernent pas uniquement la personne qui chute, mais également les travailleurs à proximité et les objets en hauteur.

Risque de tomber au sol

Une chute, qu’elle provienne d’un toit, d’un échafaudage ou même d’une simple échelle, peut avoir des conséquences fatales. De plus, des blessures peuvent survenir si une personne ou un objet tombe sur des travailleurs en dessous.

Facteurs aggravants

  • Sols glissants
    • Les surfaces de travail deviennent parfois glissantes à cause de la pluie, de la neige, du verglas ou de produits chimiques, ce qui augmente le risque de chutes
  • Absence de zones délimitées
    • Sans délimitation claire des zones à risque, des travailleurs peuvent se retrouver accidentellement dans des espaces dangereux sans en avoir conscience
  • Mauvaise signalisation des zones à risque
    • Des panneaux ou marquages insuffisants rendent difficile l’identification des zones sensibles

Solutions

  • Délimitation des zones de danger
    • Une organisation de l’espace de travail avec des zones clairement identifiées et accessibles uniquement aux personnes autorisées limite l’exposition aux risques
  • Installation de garde-corps et filets de sécurité
    • Ces équipements de protection collective assurent une sécurité accrue pour les travailleurs en hauteur et réduisent ainsi les risques de chute,
  • Port d’EPI adaptés
    • L’utilisation d’équipements de protection individuelle tels que des casques et des harnais est indispensable pour assurer la sécurité des travailleurs en hauteur

Risque de laisser tomber un objet au sol

Les chutes d’objets représentent environ 10 % des accidents du travail et peuvent entraîner des blessures graves, en particulier à la tête. Un objet tombant d’une hauteur peut blesser des travailleurs au sol, mais aussi endommager des équipements et provoquer d’autres accidents.

Facteurs aggravants

  • Absence de fixation des objets
    • Des outils et équipements mal sécurisés peuvent facilement tomber, créant ainsi des dangers pour les travailleurs en contrebas
  • Manipulation d’objets lourds sans précaution
    • L’absence de protocoles de sécurité lors de la manipulation ou du stockage d’objets lourds augmente le risque de chute
  • Absence de protections sous les zones de travail
    • Les travailleurs au sol sont particulièrement vulnérables si des protections (comme des filets ou des casques) ne sont pas installées

Solutions

  • Filets de protection sous les échafaudages
    • Des filets ou systèmes de rétention doivent être installés pour empêcher les objets de tomber et de blesser des travailleurs au so
  • Fixation des outils
    • Utiliser des lanières ou des crochets pour attacher les outils évite qu’ils ne tombent pendant leur utilisation
  • Port obligatoire de casques
    • Le port d’un casque de sécurité doit être systématique dans les zones où des objets peuvent tomber

Les risques spécifiques des cordistes

Les cordistes, qui travaillent en suspension à l’aide de cordes, sont confrontés à des risques spécifiques à leur environnement de travail.

Un risque constant de chute en suspension 

Contrairement aux travailleurs sur toiture ou échafaudage qui ont souvent une surface stable sous leurs pieds, les cordistes restent suspendus dans l’air. Cela augmente considérablement le risque de chute, particulièrement en cas de défaillance du matériel ou d’erreur humaine.

Dépendance totale au matériel 

Un cordiste est totalement tributaire de la sécurité de son matériel. Tout défaut d’ancrage ou erreur de fixation peut entraîner une chute fatale. De même, une mauvaise utilisation des points d’ancrage ou des techniques d’auto-secours peut provoquer des accidents graves.

Facteurs aggravants

  • Fatigue musculaire
    • Les cordistes doivent parfois adopter des positions contraignantes pendant de longues périodes, ce qui fatigue leurs muscles et diminue leur vigilance, et augmente les risques
  • Conditions météorologiques
    • Les intempéries, telles que des vents violents, de la pluie ou du verglas, peuvent déstabiliser les cordistes et altérer la visibilité, ce qui compromet leur sécurité

Prévention adaptée

  • Double ancrage obligatoire
    • Un double ancrage doit toujours être utilisé pour garantir la sécurité, répartir les charges et assurer une stabilité maximale en cas de défaillance d’un des ancrages
  • Contrôle systématique des équipements
    • Avant chaque intervention, il est essentiel de vérifier soigneusement tout le matériel pour éviter toute défaillance ou usure susceptible de compromettre la sécurité des cordistes
  • Formation spécifique
    • Les cordistes doivent suivre une formation régulière sur les techniques de progression sécurisée, d’auto-secours et les mesures d’urgence en cas de problème

Les questions complémentaires

Comparaison avec d’autres pays

Les pratiques en matière de prévention varient d’un pays à l’autre, mais certains modèles européens se démarquent par leur efficacité. Une analyse comparative permet d’identifier des pistes d’amélioration pour la France.

Royaume-Uni : campagnes d’information et contrôles accrus

Outre-Manche, des efforts significatifs ont été menés pour changer les comportements à risque dans le BTP. Les campagnes de communication du Health and Safety Executive (HSE), couplées à une politique de contrôles fréquents, ont contribué à une baisse notable des chutes de hauteur.

Allemagne : haut niveau de formation et équipements performants

En Allemagne, la prévention repose sur une exigence de formation approfondie et une large diffusion d’équipements de pointe. Des institutions spécialisées accompagnent les entreprises pour garantir une application rigoureuse des normes. Cette approche intégrée a permis de réduire durablement les accidents dans les secteurs à risque.

Suisse : exigence de certification des monteurs d’échafaudage

En Suisse, les échafaudages ne peuvent être montés que par des personnes formées et certifiées. Des contrôles techniques rigoureux sont réalisés avant chaque usage. La Suva (Caisse nationale d’assurance accidents) diffuse des standards très clairs et des guides très pratiques.

Suède : culture forte de la prévention participative

La Suède mise sur une culture partagée de la sécurité où chaque salarié est acteur de la prévention. Des pauses sécurité sont organisées quotidiennement et la hiérarchie est fortement impliquée dans la gestion des risques. La sécurité est vue comme un levier de performance et non comme une contrainte.

Canada : approche régionale renforcée (Québec)

Au Québec, les normes de la CNESST imposent une analyse de risque systématique avant toute tâche en hauteur, des dispositifs antichute obligatoires et un encadrement très strict des interventions avec harnais. Il existe aussi une obligation de plan de sauvetage en cas de chute, à prévoir en amont de l’intervention.

France : un cadre réglementaire clair, mais une application inégale

Si la France dispose d’une réglementation détaillée en matière de sécurité, son application reste hétérogène selon les secteurs, les régions ou la taille des structures. Certaines entreprises peinent à appliquer les mesures prévues, faute de moyens, de temps ou de culture de prévention. Un renforcement des contrôles, de la formation et de l’accompagnement terrain pourrait permettre d’aligner les pratiques sur les exigences légales.

Récapitulatif

PaysPratiques en matière de préventionPoints forts
Royaume-Uni– Campagnes de sensibilisation du Health and Safety Executive (HSE)– Réduction notable des chutes grâce aux campagnes d’information et à une politique de contrôles fréquents.
– Contrôles réguliers sur les chantiers et dans les entreprises– Changement des comportements à risque dans le BTP.
Allemagne– Formation approfondie obligatoire pour tous les travailleurs– Normes rigoureuses et large diffusion d’équipements de sécurité de pointe.
– Accompagnement par des institutions spécialisées pour garantir la conformité des entreprises– Application stricte des normes de sécurité et réduction des accidents dans les secteurs à risque.
Suisse– Les monteurs d’échafaudages doivent être formés et certifiés– Exigence de certification avant l’installation des échafaudages.
– Contrôles techniques rigoureux avant chaque utilisation– Diffusion de standards et de guides pratiques par la Suva (Caisse nationale d’assurance accidents).
Suède– Culture de prévention participative où chaque salarié est impliqué– Implication forte de la hiérarchie dans la gestion des risques.
– Pauses sécurité quotidiennes– La sécurité est perçue comme un levier de performance et non comme une contrainte.
Canada (Québec)– Analyse de risques systématique avant toute intervention en hauteur– Normes strictes de sécurité du travail imposées par la CNESST.
– Dispositifs antichute obligatoires– Plan de sauvetage à prévoir avant l’intervention en hauteur.

– Encadrement strict des interventions avec harnais
France– Cadre réglementaire clair mais application hétérogène– Existence d’une réglementation détaillée en matière de sécurité, mais une application inégale en fonction des secteurs, régions et tailles des structures.
– Renforcement nécessaire des contrôles, de la formation et de l’accompagnement terrain– Besoin d’améliorer la conformité aux exigences légales en renforçant les contrôles et les mesures de prévention dans les entreprises.

Les chutes de hauteur

Sources

Laurent Corbé

Laurent Corbé est expert en risques professionnels. Il est le fondateur d'Abisco.fr, un site leader dans la commercialisation d'Equipements de Protection Individuelle

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